Aller au contenu

Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’arrivai à Paris, si je ne me trompe, le 25 mai 1849, quatre jours avant la réunion de l’Assemblée législative et pendant les dernières convulsions de la Constituante. Quelques semaines avaient suffi pour rendre l’aspect du monde politique entièrement méconnaissable, moins par les changements qui avaient eu lieu dans les faits extérieurs, qu’à cause de la révolution prodigieuse qui s’était opérée en peu de jours dans les esprits.

Le parti qui tenait le pouvoir lors de mon départ l’avait encore et le résultat matériel des élections devait, ce me semble, l’affermir dans ses mains. Ce parti, composé de tant de partis divers, qui voulait soit arrêter, soit faire reculer la révolution, avait obtenu une majorité énorme dans les collèges ; il allait former plus des deux tiers de la nouvelle Assemblée ; cependant, je le retrouvai en proie à une terreur si profonde, que je ne saurais la comparer qu’à celle qui suivit Février, tant il est vrai qu’en politique il faut raisonner comme à la guerre et ne jamais oublier que l’effet des événements doit se mesurer moins à ce qu’ils sont en eux-mêmes, qu’aux impressions qu’ils donnent.

Les conservateurs, qui avaient vu depuis six mois toutes les élections partielles tourner invariablement à leur avantage, qui remplissaient et dominaient presque tous les conseils locaux, avaient mis dans le