Aller au contenu

Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il possédait, d’une autre part, la force très grande que donnent à des ministres une origine semblable, des instincts identiques, d’anciens liens d’amitié, une confiance mutuelle et une visée commune.

On me demandera, sans doute, quelle était cette visée, où nous allions, ce que nous voulions. Nous vivons dans des temps si incertains et si obscurs qu’il me paraîtrait téméraire de répondre à cette question au nom de mes collègues ; mais j’y répondrai volontiers au mien. Je ne croyais pas plus alors que je ne crois aujourd’hui que le gouvernement républicain fût le mieux approprié aux besoins de la France ; ce que j’entends à proprement parler par le gouvernement républicain, c’est le pouvoir exécutif électif. Chez un peuple où les habitudes, la tradition, les mœurs ont assuré au pouvoir exécutif une place si vaste, son instabilité sera toujours, en temps agité, une cause de révolution ; en temps calme, de grand malaise. J’ai toujours considéré, d’ailleurs, que la république était un gouvernement sans contrepoids, qui promettait toujours plus, mais donnait toujours moins de liberté que la monarchie constitutionnelle. Et, pourtant, je voulais sincèrement maintenir la république ; et, bien qu’il n’y eût pour ainsi dire pas de républicains en France, je considérais l’entreprise de la maintenir, comme n’étant pas absolument impossible.