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Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/341

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miner la question posée la veille, repoussa la mise en accusation et demanda à l’Assemblée de prononcer sans désemparer sur le sort du président et des ministres. La Montagne s’opposa à la discussion immédiate et réclama la production de pièces. Quel était son but en reculant ainsi le débat ? Cela est difficile à dire. Espérait-elle, à l’aide de ce retard, achever d’enflammer les esprits, ou voulait-elle secrètement se donner le temps de les calmer ? Il est certain que ses principaux chefs, qui étaient plus habitués à parler qu’à combattre et plus passionnés que résolus, montrèrent ce jour-là, au milieu de l’intempérance de leur langage, une sorte d’hésitation qu’ils n’avaient pas fait voir la veille. Après avoir à moitié tiré l’épée, ils semblaient vouloir rengainer ; mais il était trop tard, le signal avait été vu par leurs amis du dehors, et, désormais, ils ne dirigeaient plus, ils étaient conduits.

Durant ces deux jours, ma situation fut très cruelle ; je désapprouvais entièrement, comme on l’a vu, la manière dont l’expédition de Rome avait été entreprise et conduite. Avant d’entrer dans le cabinet, j’avais déclaré solennellement à Barrot que je n’entendais prendre de responsabilité que pour le futur, et que ce serait à lui seul de défendre ce qui s’était fait jusque-là en Italie. Je n’avais accepté le ministère qu’à cette condition. Je me tus donc dans la discussion du 11 et laissai