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Page:Alexis de Tocqueville - Souvenirs, Calmann Levy 1893.djvu/348

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gnards : leur naturel querelleur et leur orgueil se manifestaient encore dans les démarches qui le comportaient le moins. Entre ceux qui, par leurs journaux et par eux-mêmes, avaient poussé le plus violemment à la guerre civile et nous avaient accablés de plus d’outrages, se trouvait Considérant, l’élève et le successeur de Fourier, l’auteur de tant de rêveries socialistes qui n’eussent été que ridicules dans d’autres temps, mais qui étaient dangereuses dans le nôtre. Considérant parvint, avec Ledru-Rollin, à s’échapper du Conservatoire et à gagner la Belgique. J’avais eu avec lui jadis des rapports de société, et, arrivé à Bruxelles, il m’écrivit : « Mon cher Tocqueville (suivait la demande d’un service qu’il me priait de lui rendre, puis il ajoutait) : … Comptez à l’occasion sur moi pour tout service personnel ; vous en avez encore pour deux ou trois mois peut-être, et les Blancs purs qui vous suivront, pour six mois dans la plus longue hypothèse. Vous aurez, c’est vrai, parfaitement gagné, les uns et les autres, ce qui vous arrivera infailliblement un peu plus tôt, un peu plus tard. Mais, ne parlons pas politique et respectons le très légal, très loyal et très Odilon Barrotique état de siège. » À quoi je répondis : « Mon cher Considérant, ce que vous désirez est fait. Je ne veux pas me prévaloir d’un si petit service, mais je suis bien aise de constater, en passant, que ces odieux oppresseurs de la