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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/105

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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : DANIEL


avoir vu les quatre animaux représentant quatre empires, aperçoit un vieillard, « un ancien de jours » avec un vêtement blanc comme la neige et avec des cheveux purs comme la laine ; il s’assied sur un trône formé de flammes de feu et roulant sur des roues de feu ardent, entouré d’innombrables myriades de serviteurs et présidant un tribunal. La quatrième bête est tuée et les trois autres privées de leur puissance, xii, 9-12. Alors s’avance avec les nuées du ciel « quelqu’un de semblable à un fils d’homme ». Il se présente devant l’Ancien des jours, « et il lui est donné puissance, honneur et royauté, et tous les peuples, nations et langues le serviront. Sa puissance est une puissance éternelle qui ne lui sera pas enlevée, et son royaume est un royaume qui ne sera pas détruit », vii, 13-14.

De tout ceci un ange donne à Daniel l’interprétation suivante : après les quatre bêtes qui sont quatre rois, « les saints du Très-Haut recevront la royauté et la posséderont jusqu’aux siècles des siècles », vii, 17-18. C’est pour eux que sera installé le tribunal qui fera périr la quatrième bête, vii, 22-26. « Et (alors) le règne, la puissance, la majesté des royaumes sous tout le ciel sera donné au peuple des saints du Très-Haut », vu, 27.

Il résulte, tant de la vision que de son explication, que l’empire par lequel Dieu remplacera les quatre grands empires païens, les dépassera en valeur morale, en étendue et en durée. La supériorité est déjà indiquée par la manière dont il est symbolisé. Il n’est pas représenté par une bête, mais par un homme, littéralement par un être qui est « comme un fils d’homme ». Le mot araméen pour homme enas est un collectif : humanité, genre humain, Dan., iv, 14 ; v, 21, et le moyen le plus simple pour l’employer dans un sens individuel, c’est-à-dire pour désigner un seul représentant de l’humanité, est de mettre devant lui bar, fils, Kônig, Die messianischen Weissagungen, p. 300. Parce que Daniel ne vit pas un homme réel, comme il n’avait pas non plus vu de bêtes véritables — il s’agit d’êtres mystérieux qui apparaissent dans une vision — il dit seulement qu’il a aperçu quelqu’un qui est comme un homme. Le fils d’homme ne surgit pas de la mer comme les bêtes, il arrive porté sur les nuées du ciel, trait qui n’indique pas qu’il vienne du ciel, mais tout au moins qu’il est en relation avec les desseins divins.

L’Ancien des jours, c’est-à-dire le Dieu éternel, de qui découle tout pouvoir, confère au fils de l’homme la royauté. Il lui confie son seulement le gouvernement d’un peuple pour un certain temps, mais celui de tous les peuples pour toujours. Mais qui reçoit cette puissance universelle et éternelle ? Trois fois dans l’interprétation sont expressément nommés, comme détenteurs du pouvoir, « les saints du Très-Haut ». Il ne peut pas y avoir de doule que par ce terme sont désignés les Israélites. C’est donc le peuple élu qui est en premier lieu symbolisé par le fils de l’homme et qui recevra la domination du monde.

La tradition juive et chrétienne a compris le fils de l’homme plutôt dans un sens individuel, et l’a identifié avec le Messie. Ce faisant, elle n’a pas eu tort. Car les bêtes ne sont pas seulement les symboles des empires païens, mais aussi de leurs rois. Cf. ii, 38 ; vu, 17 ; viii, 20, 21. Comme ces bêtes symbolisent non seulement des royaumes mais aussi leurs chefs, ainsi, « le fils de l’homme représente l’empire des saints ; mais rien n’empêche qu’il ne représente aussi leur chef, c’est-à-dire le roi Messie, ou plutôt que le Messie ne soit pas lui-même le représentant de son empire », I.agrange, p. 506. La version des Septante, qui a été faite peu après la composition du livre, traite le fils de l’homme comme un personnage individuel et

surnaturel qui vient sur les nuées et se met à côté de l’Ancien des jours.

La vision du fils de l’homme est complétée par celle de l’archange Michel et de la résurrection des morts, xii, 1-3. Celle-ci se rattache à la prédiction sur la dernière expédition qu’Antiochus Épiphane entreprendra contre Jérusalem, et au cours de laquelle il trouvera la mort. « En ce temps-là se lèvera Michel, le grand prince qui protège les fils de ton peuple, et ce sera un temps d’angoisse comme il n’y en pas eu depuis que des nations existent jusqu’alors. Mais en ce temps ton peuple sera sauvé, (c’est-à-dire) quiconque sera trouvé inscrit dans le livre, 2. Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et l’opprobre éternel, 3. Et les sages brilleront comme l’éclat du firmament, et ceux qui auront conduit beaucoup à la justice comme les étoiles à jamais et pour toujours. »

En ce temps-là, savoir quand Antiochus Épiphane campera devant Jérusalem pour la prendre d’assaut, surgira pour Israël un protecteur tout particulier, l’archange Michel, le grand chef des anges et l’ange gardien des Juifs, x, 13-21. Le peuple élu aura grand besoin de son aide, car il se trouvera dans un état plus misérable que jamais. Grâce à l’intervention de Michel, il sera sauvé. L’archange viendra exécuter le jugement sur Antiochus Épiphane, comme dans le temps d’Isaïe l’ange de Jahvé sur Sennachérib. Le salut ne sera pas accordé à tous les Israélites sans distinction, mais seulement à ceux qui plaisent à Dieu par leur piété et qui sont pour cela notés dans le livre de vie, idée qui est exprimée de la même façon dans Isaïe, iv, 3, et Malachie, iii, 16. Comme dans Is., xxvi, 19, il est prévu que les défunts ressusciteront pour prendre part au bonheur définitif des élus. Beaucoup se lèveront de la poussière. « Beaucoup » est ici synonyme de « tous », comme dans Esth., iv, 3. Parce que auparavant il n’est question que des Israélites, c’est aussi uniquement pour eux que la résurrection est prévue. Les païens n’en sont pas expressément exclus, mais comme il s’agit pour l’auteur de consoler la communauté juive, il ne mentionne le salut qu’en tant qu’il les concerne. Ceux qui vivent au moment où se réalise le bonheur messianique, n’y prendront part que dans la mesure où ils en seront dignes : ainsi les défunts qui reviennent à la vie seront traités selon leurs mérites. Seuls ceux qui ont vécu saintement reverront la lumière pour s’en réjouir éternellement ; les autres au contraire seront voués à une honte sans fin. L’auteur ne précise pas en quoi doit consister cette honte des pécheurs. Parmi les élus il signale, par contre, les sages dont les enseignements et les exemples ont soutenu les autres dans la vertu. Ceux-ci auront un tel bonheur qu’ils brilleront de joie comme le ciel et ses étoiles.

Voir la bibliographie à la fin de l’article Danifx. — Lagrange, Les prophéties messianiques de Daniel, dans Revue biblique, 1904, p. 494 sq. ; Ch. Wright, Daniel and ils critics, 1906’; Ed. Ilertlein, Der Daniel der Humcrzeit, 1908, Die Mensehensohnfrage tmletzten Siadium, 1911 ; E. Bayer, Danielsludien, 1912 ; M. Pflanzl, Der Mensehensohn in Daniel, 7, 13, dans Internationale kirchliehe Zeilsehri/t 1913, p. 310 sq., Ein christliches Schriftstûek imalten Testament, Dan., 7, ibid., 1916, p. 277 sq. ; T. G. Pinches, Fresli lighl on Ihe Book o/ Daniel, dans Expos. 7°im., 1915, p.257 sq. ; F. A. HerLog, Die Jahreswochen Daniels næh, der AA’.Y, dans Schweùteriche I<irchen7eilung, 19(>, p. 48 sq. ; Hôlscher, Die Entstehung des Huches Daniel, dans Theologische Sludien und Kritiken, 1019, p. 113 sq. ; Sola Juan Maria, La profécia de Daniel, 1919 ; A. Colunga, Los ixiticinios messiallicos de Daniel, dans Ciencia tomista, 1020, p. 285 sq. ; M. I [aller, Das Aller mm Daniel, 7, dans Theologisehe Studien und Kritiken, 1921, p. 87 sq. ; R. Anderson, The coming