Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1533
1534
MESSIANISME, LA LITTÉRATURE RABBINIQUE


Pesikta Rabbathi, 74 b ; ils seront exterminés par un déluge de peste, Tosephta, ii, 12. Dieu les consumera tous en une seule fois, Midrasch Rabbot, Lev., xxi, 34.

D’après d’autres rabbins, les païens ne seront pas tués, mais gravement punis : ils seront foulés par Dieu comme les raisins au pressoir, Midrasch Tehillim, vin, 1 ; ils boiront la coupe de la colère divine, ibid., xi, 7 ; ils seront jetés dans la Géhenne, ibidem, civ, 22, plongés dans l’obscurité, Pesikta Rabbathi, 162 ab.

D’autres encore supposaient que la restauration d’Israël soulèverait l’envie et la haine des autres peuples. Ceux-ci se réuniraient contre Jérusalem et assiégeraient la ville sainte. Mais Dieu et le Messie combattraient contre eux, Midrasch Tehillim, xviii, 1 ; Targum, Is., lui, 3, 7 ; Midrasch, Cant., vi, 10. Après leur défaite, les païens deviendront les esclaves d’Israël.

Il y a enfin une quatrième opinion, d’après laquelle les païens se soumettront de leur propre gré aux Israélites et se convertiront, Talmud Bab., Berak, 57 b ; Tosephta, vi. Dieu ouvrira aux idoles la bouche pour qu’elles disent à leurs adorateurs qu’ils se sont trompés, Midrasch Tehillim, xxxi, 2, xcvii, 7. Les nations, avec leurs rois en tête, adoreront alors Jahvé, ibidem, mais avec crainte, car la joie est réservée aux Juifs, Midrasch Tanhuma, nah, 19. Us offriront des présents au Messie et deviendront les serviteurs d’Israël, Tehillim, lxxxvii, 4 ; Targ., Is., ix. Les païens se feront prosélytes, Talmud Bab., Aboda zara, 24 a. Il y a cependant une baraïtha anonyme, ibidem, 36, d’après laquelle cette hypothèse est exclue. D’autre part, on trouve la conception, sans doute isolée, d’après laquelle les nations seront complètement assimilées à Israël, Si/re, Deut., xxxii, 11 ; Midrasch Rabbot, Lev., i, 1.

6. Gog et Magog.

Conformément à la prophétie

d’Ézéchiel, xxxviii-xxxix, les rabbins s’occupaient spécialement dans leurs spéculations eschatologiques du sort des nations qui, venues du pays de Magog et guidées par Gog, troubleront la paix messianique. Ils faisaient beaucoup plus de cas de cet oracle mystérieux que les prophètes postexiliens et les auteurs apocalyptiques. Ils le discutent très souvent et le transforment à leur façon. Us découvrent en de nombreux textes bibliques, notamment dans les premiers versets du psaume ii, Midrasch Tehillim, ii, 2-4, des allusions voilées relatives au même événement. Quelques-uns mettent l’attaque de Gog avant les jours du Messie, Talmud Bab., Sanh., 97 b ; la plupart semblent plutôt la placer sous le règne même du Messie. Ils imaginent le recrutement de l’immense armée de Gog de différentes manières ; ils représentent par exemple ce despote entraînant à sa suite les peuples hypocritement convertis, Talmud Bab., Aboda zara, 3 b. Trois fois les ennemis monteront contre Jérusalem. Midrasch Tehillim, xcix, 1. Alors Dieu apparaîtra et les anéantira, Sifre, Deut., xxxiii, 2 ; Targum Jon., Num., xi, 26 La défaite de Gog est aussi attribuée au Messie, fils de David, Targum Jon., Num., xi, 26 ; xxiv, 26, et plus souvent encore au Messie d’Éphraïm, Targum Jon., Gen., xl, 11. Ce n’est qu’après la destruction de l’armée de Gog qu’Israël aura la paix complète, Midrasch Rabbot, Lev., vi, 22 ; Deut., xvi, 18. Elle consistera en une parfaite sécurité : iln’y aura plus d’ennemis pour le peuple, il n’y aura plus de guerre, Targum Onk., Gen., xlix, 11 ; Midrasch Tanhuma, Sophelim, 19 ; Mischna, Sab., vi, 4.

7. Durée des temps messianiques.

De même que les maîtres en Israël essayaient de fixer la date de l’avènement messianique, ils spéculaient sur la durée de ce bonheur. Pour comprendre les idées qu’ils avaient à ce sujet, il faut savoir que tous enseignaient que la destinée de l’homme ne s’achève pas ici-bas,

mais dans l’au-delà. Ils ont créé un terme spécial pour désigner l’autre monde : ha-olam ha-ba « le monde qui vient », « le siècle à venir ». En opposition avec ce siècle à venir, ils appelaient la vie des hommes sur la terre « ce siècle », « ce monde ». C’est entre ces deux siècles « qu’ils plaçaient l’ère messianique qui terminera par une sorte d’apothéose l’histoire actuelle d’Israël et de l’humanité, avant que commence pour tous les mortels la vie dans l’autre monde. Souvent ils distinguaient ces trois périodes par des comparaisons symboliques ; la plus connue est la suivante : « le kinnor de ce siècle a sept cordes…, le kinnor des temps messianiques aura huit cordes…, le siècle à venir aura dix cordes », Tosephta Arakin, ii, 28. Pour cette raison les rabbins n’ont pas, comme les prophètes, admis une durée illimitée de l’ère messianique, ils l’ont restreinte à une époque déterminée. Pour en fixer les limites, ils s’adonnaient à maintes spéculations et aux calculs les plus variés. R. Juda ha-Nasi dit que on ne peut pas compter les jours du Messie, Pesikta Rabbathi, 4 ab, R. Johanan que Dieu seul en connaît le nombre, Talmud Bab., Sanh., 99 a. Quelques rabbins croyaient que l’époque du salut durerait aussi longtemps que celle de l’épreuve : quatre cents ans comme le séjour en Egypte, ou quarante ans comme le voyage dans le désert. Talmud Bab., Sanh., 99 a, Pesikta Rabbathi, 4 ab. D’autres déduisaient de ps. lxxi, 5, une durée de trois générations, ibidem, Midrasch Tehillim, xc, 15. D’autres encore supputaient 100, 365, 400 ou 1000, 2000, 4000, 7000 ans ; voir Lagrange, p. 205-209. R. Haman dit que les jours du Messie s’étendront entre les années 4291 et 7000, Talmud Bab., Sanh., 97 b ; R. Samuel, prétend qu’ils seront égaux aux temps écoulés depuis la création, ibidem, 99 a.

Tout en séparant expressément par ces calculs l’ère messianique du siècle à venir, parfois ils les confondaient : quelques-uns désignaient les jours du Messie commee siècle à venir » et supposaient pour eux une durée sans fin, voir Klausner, Die messianischen Vorstellungen, 1904, p. 27, et Volz, Judische Eschatologie, 1903, p. 62. La même confusion se constate dans leurs spéculations sur la date de la résurrection. Les uns plaçaient la résurrection des morts avant les temps messianiques, et la regardaient comme l’ouverture de la rédemption, les autres la plaçaient après les jours du Messie et la prenaient pour le premier événement de l’eschatologie définitive et transcendante, voir Lagrange, p. 176-185. Mais la seconde opinion prédominait, de sorte qu’on peut dire que la théologie rabbinique, au moins « dans son grand courant orthodoxe » (Lagrange) ne considérait pas la résurrection comme un événement messianique.

Malgré cette confusion partielle des idées de l’eschatologie messianique et transcendante, les rabbins ont, plus encore semble-t-il que les auteurs des apocalypses, mis en relief la rétribution définitive dans l’autre monde aux dépens de la restauration nationale et terrestre.

Voir les ouvrages cités à l’art. Judaïsme, littérature rabbinique, idées messianiques et eschatologiques, t. viii, col. 1594, 1636.

G. Dalman, Die Worte Jesu, 1870 ; A. Wiinsche, Die Leiden des Messias, 1870, Neue Beitràge zur Erlduierung der Evangelien aus Talmud und Midrasch, 1878 ; Drummond, The Jewish Messiah, 1877 ; Edersheim, Prophecy and history in relation to the AJessiah, 1886, The life and times o/ Jésus the Messiah, 1901 ; V. H. Stanton, The jewish and the cliristian Messiah, 1886 ; S. Spira, Die Eschatologie der Juden nach Talmud und Midrasch, 1889 ; Herford, Christianily in Talmud, 1903 ; Friedlànder, Die religiosen Bewegungen innerhalb des Judentums im Zeitalter Jesu, 1905 ; W. Fairweather, The background of the Gospels, 1908 ; Bonsirven, Sur les ruines du Temple, 1928.