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MÉTEMPSYCOSE, HISTOIRE


je leur répète plusieurs fois la raison pour laquelle je les punis, et je leur recommande de s’en souvenir pour ne plus tomber dans la même faute ; et Dieu, qui établit contre les fautes les derniers châtiments, n’instruirait pas ceux qu’il punit du motif pour lequel il les punit, mais il leur ôterait le souvenir de leurs fautes en même temps qu’il leur donnerait un sentiment très vif de leur peine ! A quoi servirait donc la peine si elle laissait ignorer la faute ? Elle ne ferait qu’irriter le coupable et le pousser à la démence. N’aurait-il pas le droit d’accuser son juge, s’il était puni sans avoir conscience d’avoir commis aucune faute ? » Par ailleurs la métempsycose n’est pas nécessaire pour rendre raison des infirmités que nous apportons en naissant, elles s’expliquent par des causes physiques et ne sauraient être considérées comme des peines infligées par Dieu pour des fautes commises dans une vie antérieure. Les maux qui frappent l’homme servent à lui donner l’occasion de déployer ses vertus ou à le corriger de ses vices ; s’il ne se corrige pas, son châtiment sert d’exemple aux autres. D’ailleurs la vie actuelle suffit pour montrer ce que nous valons. Le juge n’a pas besoin d’attendre une seconde vie.

Saint Épiphane mena la lutte contre l’origénisme et réunit en 402 un concile pour le condamner. Ce fut lui qui excita l’hostilité de saint Jérôme contre le grand docteur alexandrin et sa brouille avec Ru fin.

Saint Augustin semble favorable à Platon dans Epist., vii, ad Nebridium, i, 2, P. L., t. xxiii, col. 68, mais il le réfute nettement plus tard, De Trinit., XII, 151, t. xlii, col. 1011. Cf. De civ. Dei, IX, xxx, t. xli, col. 312 : « Si l’on croit qu’après Platon il n’y a rien à changer en philosophie, d’où vient que sa doctrine a été modifiée par Porphyre en plusieurs points qui ne sont pas de peu de conséquence ? Par exemple, Platon a écrit, cela est certain, que les âmes des hommes reviennent après la mort sur la terre, et jusque dans le corps des bêtes. Cette opinion a été adoptée par Plotin, le maître de Porphyre. Eh bien ! Porphyre l’a condamnée, non sans raison. Il a vu avec Platon que les âmes retournent dans de nouveaux corps, mais dans des corps humains, de peur, sans doute, qu’il n’arrivât à une mère devenue mule de servir de monture à son enfant. Porphyre oublie par malheur que dans son système une mère devenue jeune fille est exposée à rendre son fils incestueux. » De même, XI. xxv, il expose la doctrine d’Origène et ajoute : « Je suis surpris plus qu’on ne saurait dire qu’un homme si habile, si exercé dans les saintes lettres, n’ait pas tout d’abord remarqué combien tout cela est éloigné de la sainte Écriture. »

Saint Cyrille d’Alexandrie, In Joann., i, P. G., t. lxxiii, col. 34, réfute le dogme platonicien, imitant son oncle, Théophile, qui a écrit un vaste ouvrage, aujourd’hui perdu, contre les origénistes.

La lutte anti-origéniste prit plus de violence au vie siècle. Théodore, évêque de Scythopolis, adressa vers 553 une condamnation très vive des erreurs d’Origène à l’empereur Justinien et aux patriarches de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, P. G., t. lxxxvi, col. 231-236. Nous possédons un autre ouvrage de même tendance intitulé : Doctrine de S. Barsanuphe sur les opinions d’Origène, d'Évagre et de Didyme. P. G., t. lxxxvi, col. 891-902.

En ce qui concerne la condamnation d’Origène nous ne pouvons rappeler ici que l’essentiel. L’initiative vint de l’empereur Justinien qui s’adressa au patriarche Menas pour lui signaler les erreurs d’Origène. Il s’efforce de les réfuter et cite un grand nombre de Pères, notamment Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome, Pierre d’Alexandrie, Athanase, Basile, Cyrille d’Alexan drie, etc., qui tous s'étaient prononcés contre Origène. Il termine par dix anathèmes dont le premier seul nous intéresse : « Si quelqu’un dit ou pense que les âmes humaines existaient antérieurement, c’est-à-dire qu’elles étaient antérieurement des esprits ou des forces sacrées, lesquels, se détournant de la vue de Dieu, s'étaient laissés entraîner au mal, et, pour ce motif, avaient perdu l’amour divin, avaient été appelés des âmes et envoyés par manière de punition dans un corps, qu’il soit anathème. » Cf. HefeleLeclercq, Histoire des conciles, t.n b, p. 1184.

Menas réunit aussitôt son concile « permanent » qui lança contre Origène 15 anathèmes qu’on a souvent attribués, sans preuve, au Ve Concile œcuménique (IIe de Constantinople). Les quatre premiers seulement sont à citer ici : 1. Quiconque croit à la fabuleuse préexistence des âmes et à la condamnable apocatastase qui s’y rattache, qu’il soit anathème ; 2. Quiconque dit que la création de tous les êtres raisonnables ne comprenait que des esprits sans corps tout à fait immatériels qui n’ayant plus voulu de la vue de Dieu, se sont adonnés à de mauvaises choses, chacun suivant ses penchants, et ont pris des corps plus ou moins parfaits… qu’il soit anathème ; 3. Quiconque dit que le soleil, la lune et les étoiles font aussi partie de ces êtres raisonnables, et qu’ils ne sont devenus ce qu’ils sont que parce qu’ils se sont tournés vers le mal, qu’il soit anathème. 4. Quiconque dit que les êtres raisonnables dans lesquels l’amour divin s’est refroidi, se sont cachés dans des corps grossiers tels que les nôtres, et ont été appelés hommes, tandis que ceux qui ont atteint le dernier degré du mal ont eu en partage des corps froids et obscurs et sont devenus et s’appellent des démons et des esprits mauvais, qu’il soit anathème. Hefele-Leclercq, loc. cit., p. 1191.

Dans le Ve concile œcuménique tenu à Constantinople en 553, il n’est question d’Origène que dans le xi c anathème ; ici il est condamné à la suite d’hérétiques pour des questions christologiques. La thèse du cardinal Noris et des Ballerini admettant que le concile de 553 aurait renouvelé les condamnations du concile de 543, est aujourd’hui abandonnée faute de preuves suffisantes.

On peut juger de ce qu’il y a de fantaisiste dans l’argumentation de Papus, Les esprits, p. 170 : « On a dit que la réincarnation avait été condamnée par l'Église : c’est faux. Un concile (IVe Concile de Constantinople, - sic) a dit que celui qui proclamerait être revenu sur la terre par dégoût du ciel était anathème ; mais loin de condamner la réincarnation, cet avis du concile indique au contraire qu’elle faisait partie de l’enseignement, et que, s’il y en avaient qui revenaient volontairement se réincarner, non par dégoût du Ciel, mais par amour de leur prochain, l’anathème ne pouvait pas les toucher. »

La même confusion entre l’essentiel et le secondaire de la condamnation se retrouve chez le D r Rozicr, Magie et religion, dans Initiation, avril 1898 : « Que dit ie fameux concile de Constantinople sur lequel certains auteurs s’appuient pour démolir, non pas la métempsycose, qui n’est pas en question en Occident, mais la théorie des incarnations ? Ce concile a condamné, en 543, quelques propositions d’Origène, entre autres et en premier lieu celle-ci : Si guis… snpplicii causa, anathema sit. Les réincarnationnistes ne prétendent pas que ce soit par lassitude de la contemplation divine, par refroidissement de l’amour de Dieu que les âmes reviennent sur la terre, bien au contraire ; ils ne prétendent pas non plus que leur retour soit une punition. Ils disent que l’existence terrestre nous est imposée pour évoluer et parvenir à nous rendre maîtres de la matière dont Adam, par sa chute, nous