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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/151

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MÉTEMPSYCOSE — MÉTHODE ANTHRACITE

velle, nous devrions avoir au moins le souvenir confus, vague, mais vivant de ces transformations profondes qui se sont accomplies dans notre être. La tendance parlerait elle-même de ses origines. Or cette tendance ne parle pas. Elle est donnée, lors de l’éveil de la conscience, comme un fait brutal, anonyme, sans liaison avec notre passé personnel.

En vain objectera-t-on que, dans sa nouvelle existence, l’homme possède un corps nouveau. Il n’en reste pas moins que la tendance s’imprime dans ce corps, et si profondément qu’elle détermine sa forme. Donc ce corps est en relation avec elle ; il peut, il doit la connaître, et s’il la connaît, pourquoi n’apprend-il rien, même confusément, de ses origines ? Pourquoi, en d’autres termes, n’avons-nous pas comme un pressentiment, comme une vague hantise, dernier vestige des vies antérieurement vécues ? Cf. Mainage, Les principes de la théosophie, c. vi, la réincarnation, p. 222.

2. L’hypothèse des réincarnations ne résout pas le problème moral. — La contradiction la plus frappante des systèmes en question est celle que soulignait déjà Énée de Gaza. Comment peut-il y avoir châtiment, s’il n’y a pas souvenir de la faute qu’on expie ? Je comprends à la rigueur une loi fatale comme celle du Karma, entraînant automatiquement des souffrances à la suite des manquements à une certaine règle de vie, mais qu’on ne parle pas alors d’expiation, de purification, pas plus qu’un arbre n’expie son imprudence en poussant rabougri dans un terrain trop sec ou trop froid ; il y a là simplement une conséquence fâcheuse résultant de conditions défavorables. Au contraire, si l’on nous parle moralité, si la succession des existences terrestres est inventée pour amender le coupable et lui permettre d’expier les fautes passées, il faut que le coupable se reconnaisse coupable, donc ait gardé le souvenir des fautes commises ; il faut qu’il connaisse le lien causal unissant celles-ci avec ses misères présentes. Sans le souvenir des existences passées, il est impossible de parler de châtiment, d’amendement, de progrès.

Le Léthé avait été imaginé par les tenants de la métempsycose pour concilier leur doctrine avec l’expérience psychologique : il en a supprimé toute la portée morale. La faiblesse du système résulte de l’impossibilité de concilier le fait expérimental de l’oubli de la faute avec l’exigence de son souvenir pour qu’il y ait expiation morale.

R. Hedde.

1. MÉTHODE ANTHRACITE (xviie-xviiie siècle). — Né à Janina en Épire, vers le dernier tiers du xviie siècle, il fit ses premières études dans celle ville sous Georges Sougdouris qui commença à y diriger renseignement en 1680. Il alla ensuite en Italie où il passa de nombreuses années, se perfectionnant dans les sciences mathématiques et physiques, et prenant goût aux nouveautés philosophiques de Descartes et de Malebranche, ainsi qu’aux théories du quiétiste espagnol Molinos. Demetrius Procopius dans la courte notice qu’il lui consacre en son répertoire des Grecs contemporains célèbres, écrit en 1720, l’appelle hiéromoine, c’est-à-dire prêtre non marié, et lui attribue l’ouvrage intitulé Βοσκὸς λογικῶν προβάτων, paru sans nom d’auteur en 1708. Il était déjà prêtre en 1701, comme l’indique une édition du Πεντηκοστάριον, parue alors par ses soins.

De retour en son pays, il enseigna d’abord à Castoria où sa science, son éloquence et les idées nouvelles qu’il exposait lui attirèrent de nombreux disciples. C’est alors, à Castoria, qu’il traduisit en grec les ouvrages de Malebranche, de Descartes, et d’autres philosophes et, sans doute aussi, les écrits de Molinos. De Castoria, il alla enseigner à Siatista où il obtint le même grand succès. Tout cela ne se fit pas sans quelque opposition. Des contradicteurs surgirent dont on connaît quelques-uns, le hiéromoine Hiérothée, Georges de Siatista, un certain Anastase. Il fut dénoncé au patriarche de Constantinople, qui, par l’intermédiaire de Zozime, évêque de Sisania, d’où dépendait Siatista, le somma de comparaître aussitôt à son tribunal. Malgré les instances de Zozime, malgré une lettre synodale que le patriarche lui adressa personnellement, il refusa d’obéir et se contenta d’envoyer une lettre d’explication. Pour éviter les poursuites, il se réfugia dans une autre province ecclésiastique, à Janina, sa patrie, où il espérait trouver aide et protection. De fait, des notables de cette ville s’employèrent à écarter le coup qui le menaçait. Ils écrivirent à Païsios, archevêque de Nicomédie, originaire de Janina, pour le prier d’intercéder en faveur de son compatriote, accusé faussement, disaient-ils, par des hommes jaloux. Cette lettre, publiée pour la première fois par Aravantinos dans sa Χρονογραφία τῆς Ἠπείρου, t. ii, p. 277-278, en note, et reproduite par Mgr Petit dans la collection des Conciles de Mansi, t. xxxvii, col. 229-230, est datée du 15 août 1723. Elle arriva sans doute trop tard pour influencer les décisions du jugement, peut-être même après la sentence synodale, datée du même mois (jour non indiqué). Cette sentence, plusieurs fois publiée, et enfin d’une manière critique dans Mansi, Modèle:''ibid''., col. 230, 231-246, ne décrit pas les théories molinosistes de Méthode, mais déclare que l’hérésie de Molinos dépasse toutes celles des temps passés, τὰς πώποτε μνημονευομένας.

Par contre, elle précise assez nettement les autres erreurs philosophico-théologiques de notre personnage, comme on peut le juger par les extraits suivants que nous donnons dans la traduction latine de Gelzer : Quoniam vero multitudinem rerum existentium, res sensibus subjectas et perspicuas, delere conatur, nec corpora, nec qualitates, nec effectus, imo ne cogitationes quidem quas sensibus percipimus esse censet ille vir…, ipsem de mundi creatione doctrinam impugnat, et temerarie Sacræ Scripturæ auctoritatem tollere adoritur… Nom neque sanctæ Ecclesiæ mysteria, regulæ, traditiones ex ejus doctrina integræ remanent, sed contra totem Ecclesiam bellum movet et sanctam nostram fidem negat. Manifesto autem et Epicuri sectæ se tradidit verbis et vita, uti nobis notum est, voluptatem summum bonum esse probans, et omni opera hune finem sibi proponit. Mansi, ibid., col. 238. Pour toutes ces erreurs et pour n’avoir pas voulu comparaître à l’appel du patriarche, Méthode est déclaré déchu du sacerdoce, et personne ne peut concélébrer avec lui, le traiter en prêtre et recourir à son ministère sans encourir la déposition ou l’excommunication. De plus, il ne pourra plus enseigner ni philosophie ni théologie. Enfin, tous les écrits, où il a répandu ses fausses doctrines, devront être recherchés et brûlés. Le document porte, outre la souscription du patriarche Jérémie III, les signatures des deux patriarches d’Antioche et de Jérusalem et de dix-sept autres métropolites ou évêques. Finalement, Méthode Anthracite se soumit. Un synode se réunit à Castoria (c’est évidemment par erreur que Sathas de qui nous tenons le renseignement, Νέα Ἑλλάς, p. 421, écrit Καισαρείᾳ) sous la présidence de Joasaph d’Okhrida. Méthode y comparut et y prononça de vive voix une profession de foi qu’il fit aussi par écrit. On ne sait pas l’année où cela eut lieu. Il put sans doute continuer à enseigner, car Aravantinos place vers 1732 la fin de son enseignement à Janina, où il eut pour successeur Balanos Basilopoulos, son meilleur disciple, et déjà son collègue. On ignore la date de sa mort.

En dehors des écrits condamnés et brûlés par sentence synodale, désormais perdus, il faut signaler