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MICHÉE, LE LIVRE


Sion deviendra un champ qu’on laboure et Jérusalem un monceau de pierres, iii, 8-12.

Ainsi donc, si l’on excepte les t. 12-13 du c. ii, ces trois premiers chapitres semblent bien constituer un seul discours de jugement et de condamnation contre Israël et plus spécialement contre ses chefs.

Deuxième partie, îv-v. — Le ton change, à la menace des plus terribles châtiments succède la promesse du plus brillant avenir. Dans un passage célèbre, qui se trouve presque mot pour mot dans Isaïe, ii, 2-4, la montagne de la maison de Jahvé apparaît au-dessus de toutes montagnes et de toutes collines ; vers elle aflluent de nombreuses nations pour entendre la parole de Jahvé, se soumettre à sa loi et vivre désormais dans une paix que rien ne viendra plus troubler, iv, 1-5. Ce triomphe se réalisera malgré les épreuves qu’il faudra subir, malgré la déportation, malgré la coalition des peuples, iv, 6-13, et v, 1 (iv, 6-14, d’après l’hébreu).

L’auteur de cette restauration glorieuse, le futur dominateur en Israël, sortira de Bethléem-Éphrata ; dans la force de Jahvé et la majesté de son nom, il sera grand jusqu’aux extrémités de la terre, v, 3-4, et sauvera le pays envahi par l’Assyrien, 5-6. Jacob dominera parmi les nations comme le lion parmi les bêtes de la forêt, 7-9, tandis que régnera une sécurité complète, par la destruction de tout engin de guerre, et que le culte de Jahvé sera purifié de toute profanation : plus de devins, d’idoles, d’Astartés. v, 10-14. Troisième partie, vi-vn. — Nouveau changement. Le reproche et la menace reparaissent dans le mode solennel du début. Jahvé va plaider contre son peuple ; il rappelle les bienfaits dont il l’a comblé depuis la sortie d’Egypte jusqu’à la fin du séjour au désert, vi, 1^5 ; ce qu’il exige en retour ce n’est pas la multitude ni la splendeur des holocaustes, 6-7, mais la pratique de la justice, de la miséricorde et de l’humilité, 8. Au lieu de ces vertus, ce ne sont que fraudes dans les transactions commerciales, violences des riches, mensonges de tous, 9-12, le châtiment ne saurait tarder : là où ils ont semé, ils ne récolteront pas. vi, 13-16.

Israël, dans le dernier chapitre, se plaint de la corruption de ses enfants qui rend inévitable le jugement annoncé par le prophète, vii, 1-6. Le recueil se termine par un chant qui rappelle la poésie des psaumes, et dans lequel s’exprime l’espérance que Jahvé aura pitié de son peuple et que les païens reconnaîtront sa puissance, vii, 7-20.

Authenticité.

La diversité des sujets tour à

tour abordés dans ces quelques chapitres du livre de Michée, les changements parfois très brusques dans le ton qui passe de la menace à la promesse, le manque de suite au moins apparent dans le développement de la pensée, certaines incohérences même ont naturellement posé le problème de la composition du livre : cet ensemble d’oracles qui nous est parvenu sous le nom de Michée est-il bien réellement son œuvre et dans quelle mesure l’est-il ?

1. Les chapitres i-m.

Pour la grande majorité

des critiques les trois premiers chapitres sont nettement authentiques ; ils constituent l’élément essentiel du livre dont les caractéristiques une fois bien établies pourront servir de pierre de louche pour admettre ou rejeter l’authenticité des autres parties du recueil. Quelques versets toutefois n’appartiendraient pas au texte primitif ; i, 2-1, par exemple, parce que l’idée du jugement du monde par Dieu, qui y est formulée, ne saurait remonter à l’époque de Michée, non plus que ii, 12-13, parce que l’idée de restauration qui y est contenue est par trop étrangère au contexte, et suppose un élal de choses tout différent de celui qui existait au temps du prophète. Cf. Nowack, Die

kleinen I’ropheten, Gœttingue, 1903, p. 204. Marti, dans son commentaire, augmente sensiblement le nombre des versets qui ne seraient pas authentiques, n’attribuant à Michée que : i, 5 b -6, 8, 9, 16 ; a, 1-3. 4 (’?), 6-11 ; iii, 1, 2-3 a, 4, 5-12. op. cit., p. 262. Steuernagel, moins radical, voit, dans ces chapitres, un assemblage de courts passages qui peuvent être attribués à Michée. Lehrbuch der Einleilung in dus Alte Testament, Tubingue, 1912, p. 624-625. Et cependant, à cette réduction ou à ce morcellement des passages authentiques de ces trois premiers chapitres, s’oppose formellement leur unité résultant de l’unité même du thème qui y est développé, à savoir que la ruine imminente de Samarie, qui va être détruite en punition de ses péchés, doit être pour Jérusalem et pour Juda un avertissement ; la ruine les menace également à cause de leurs crimes qui ne peuvent manquer d’attirer la vengeance divine, car la confiance présomptueuse que les prévaricateurs mettent dans la protection de Jahvé sera cruellement déçue, Jérusalem et la montagne du temple partageront le sort de Samarie. Van Hoonacker, op. cit., p. 333-340.

Reste la difficulté réelle soulevée par les ꝟ. 12-13 du en ; leur manque total de liaison avec le contexte, et la mention du retour de l’exil les ont fait considérer par beaucoup comme une interpolation du temps de la captivité (Stade, Kuenen, Wellhausen, Steuernagel, Cheyne, Smith). La conclusion toutefois ne s’impose pas ; l’explication, qui voit dans ces deux versets la réponse des prophètes de mensonge aux menaces de Michée (Aben-Esra, Ewald) n’est guère acceptable, car « pareille prédiction n’aurait rien de commun avec les élucubrations fallacieuses des prédicateurs, qui ne se contentaient pas, comme les vrais prophètes, d’annoncer la restauration après l’exil, mais niaient l’éventualité de l’exil lui-même » (m, 11), Van Hoonacker, op. cit., p. 374. Il n’en est pas de même de l’hypothèse d’une transposition de ces deux versets de leur place primitive à leur place actuelle, hypothèse qui pourrait bien donner la meilleure solution de la difficulté (Ryssel, Steiner, Driver, Condamin). Leur authenticité, en effet, est à maintenir à cause de l’analogie de la pensée avec celle des prophètes contemporains, et aussi de la ressemblance d’idée et d’expression avec d’autres passages de Michée, tout spécialement, iv, 6-7, après lesquels il y aurait lieu précisément de replacer comme dans leur contexte primitif les ꝟ. 12 et 13 du c. n. Cf. Condamin, Interpolations ou transpositions accidentelles, dans Revue biblique, 1902, p. 383-386. Pour Van Hoonacker ces mêmes versets seraient une digression, qui aurait non plus le sens, généralement admis, d’une promesse de restauration après l’exil, mais celui d’une description de l’épreuve déjà commencée, et d’un exode forcé de la nation pour ne pas périr tout entière ; seuls les premiers mots du passage : « Je t’assemblerai, je réunirai les restes d’Israël », et les derniers : « Jahvé est à leur tête » seraient à supprimer comme glose. Op. cit., p. 371.

2. Les chapitres IV et V. —’fout autre est l’altitude de la critique au sujet du deuxième discours du livre, iv-v. Depuis Stade, qui fut le premier à dénier l’authenticité à l’ensemble de ces deux chapitres, Bernerkungea ùber das Buch Micha, dans Zeitschrift fur die A. T. Wissensehaft, 1881, t. i, p. 161-172 et 1883, t. ii, p. 1-16, bon nombre de critiques. Wellhausen,

Cheyne, Marti, Smith, Gautier, se sont de plus en plus

ralliés à ses conclusions. Elles s’appuient sur les considérations suivantes : a) Il est peu probable que Michée ait ainsi atténué l’effet produit par les menaces du premier discours ; />) Tandis que les c. i-m ne sont pas sans analogie avec les oracles d’un prophète contemporain, Isaïe, ces deux chapitres, au contraire, s’en