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MICHEL D’ANCHIALOS

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de dire sous quelles influences exactement il s’est produit, avait été signalé et suffisamment prouvé par Allât i us, De Ecclesiæ occidentulis et orientalis perpétua consensione, p. 664, 6(55. Norden, Papsttum und Byzanz, p. 96, faisant état d’un texte tendancieux et trop tardif pour être exact, a cherché sur ce point à Allatius une chicane téméraire. Avec mauvaise humeur, il a reproché à celui-ci d’avoir prêté à un pape antiallemand des condescendances pour les Comnènes, puis, sur le témoignage d’un polémiste de la fin du xive siècle Macaire d’Ancyre, imputé à l’intransigeance pontificale, s’exerçant partout et sur tout, l’échec des négociations.

Le mémoire rédigé par Michel d’Anchialos lui-même sous forme de dialogue et récemment publié par Loparev (cf. Viz. Vremennik, 1907, t. xiv, p. 341-353) montre l’inanité d’une pareille thèse ; ce document met en une vive lumière le rôle joué par son auteur dont la fierté répugnait à des arrangements qui lui donnaient un maître. Le patriarche discute avec l’empereur lui-même sur les prétentions latines. Il émet sur la primauté romaine et le magistère suprême des avis aussi excessifs que paraissent modiques les demandes pontificales ; il semble bien que Michel ait voulu par là rendre vain tout espoir de conciliation. On ne saurait reconnaître au pape le droit d’appel ; les saints canons défendent en effet de porter une cause devant un condamné ; or le pape est sous le coup des censures et ne saurait de ce fait juger les délinquants (n° 14, 17). C’est au contraire à lui et à tous les Latins qu’incombe l’obligation de venir à Byzancc répondre de leurs crimes. Sur la primauté romaine la pensée du prélat est encore plus tranchée. « Déchu de toute dignité pontificale, il (le pape) ne saurait être le premier de ceux qui ont conservé la grâce ; ce n’est qu’un laïque, qui a besoin d’être sanctifié par d’autres, qui ne peut en sanctifier d’autres, ni promouvoir des prêtres, des diacres ou des clercs d’un rang inférieur (n° 17) ; ce n’est pas un pasteur, mais une brebis galeuse » ; et si on ne veut pas contaminer le troupeau fidèle, il faut s’en tenir soigneusement éloigné. D’ailleurs le pape ne peut pas réclamer la primauté au nom de saint Pierre ; il conviendrait alors de faire cet honneur à Antioche ou plutôt à Jérusalem, où le Christ vécut, si les saints canons n’en avaient statué autrement, en décidant que le pouvoir civil et le magistère ecclésiastique devaient rester intimement liés ; c’est pourquoi, depuis Constantin, le siège de l’orthodoxie est à Byzance, non plus à Rome ; de plus, avec la primauté, le pape a perdu tous ses autres privilèges. Comme l’empereur plaide les circonstances atténuantes, les risques de guerre en Europe et en Asie, les désastres politiques déjà subis par la faute du schisme, Michel répond que, là où il s’agit de sauver les âmes, on ne saurait s’inquiéter des corps. Le péril turc ne l’effraie pas ; et le prélat se laisse aller à un souhait sacrilège qui donne la mesure de son fanatisme : Que le Turc soit mon maître, extérieurement, mais que le Latin ne me soit pas uni au spirituel ; car, soumis au premier, je ne partagerai pas sa foi ; mais accepter l’union avec le second sur une base dogmatique, c’est me séparer de Dieu (ir° 28).

dette rigueur de propos n’allait pas sans une certaine contradiction dans la pratique et en théorie. D’une pari en effet l’auteur loue chez Photius, Imitant avec les Latins, le sens de l’économie dont il refuse le bénéfice à un empire aux abois (ii° 34), d’autre part les Latins, hérétiques impénitents, n’ont pas été traités comme tels par les conciles antérieurs el ne le seront pas, à cause de la force et du danger qu’il représentent.

Au moment OÙ les facilités faites par Rome semblaienl devoir aboutira un accord, ce réquisitoire lit tout échouer. L’ombrageux patriarche Imposa sa

volonté à un empereur qui n’avait ni la farouche énergie, ni non plus la sincérité dont plus tard fera preuve Michel Faléologue. Manuel Comnène permit à Michel de faire un de ces gestes imprudents que les ambitions de l’Occident ne demandaient qu’à exploiter ; le synode qui devait conclure l’Union porta à l’instigation de ce prélat une excommunication solennelle contre le pape et ses adhérents ; par une réserve singulière l’anathème ne leur fut pas jeté. Le tome de cette assemblée, aujourd’hui perdu, exposait la vraie foi des Grecs, les chefs d’accusation de ceux-ci contre les Latins, à qui on déniait le droit de réviser le procès qu’on venait de leur faire. D’après Macaire d’Ancyre, cf. Allatius, op. cit., col. 665. Les légats ne se prêtèrent certainement pas à cette comédie antiromaine ; il est cependant curieux que Hugues Éthérien et son frère Léon, qui étaient du conseil de l’empereur et l’assistèrent dans toute cette affaire, n’y fassent pas la moindre allusion. C’est sans doute à cette occasion que Michel, renouvelant le geste de Photius, y alla de sa lettre encyclique contre les erreurs des Latins. Allatius, ibid. Par ces mesures extraordinaires il fit échouer l’union des Églises ; l’abîme du schisme se creusa ; le fanatisme des Grecs porté par elles au paroxysme devait, quand la mort de Manuel lui laisserait libre cours, provoquer le massacre de tous les Latins en 1182 et appeler la revanche de 1204.

3° Bi/zance et l’Arménie. — Située aux confins de l’empire, l’Arménie pouvait, dans le conflit que Byzance soutenait avec les Turcs, subir l’influence de ses ennemis. Rétablir l’union religieuse parut encore ici au basileus le moyen le plus sûr de rattacher cette nation à sa fortune.

Les négociations provoquées par les Arméniens eux-mêmes promettaient d’aboutir, quand Michel eut à s’en occuper comme patriarche. Théorianos, chargé de traiter cette affaire, arriva en Arménie au printemps de 1170 ; il agit sur les instructions du patriarche défunt avec prudence et courtoisie. Les conférences dogmatiques aboutirent à un résultat capital : à la reconnaissance par les Arméniens de la doctrine des deux natures et des deux volontés dans le Christ. Cependant le catholicos réservait la question du vocabulaire ; il pensait rester orthodoxe en maintenant la formule « une seule nature » afin d’éviter le reproche de nestorianisme, ce dont jusque-là lui et son Église avaient soupçonné les Grecs. Nous confessons deux natures pour éviter la confusion des natures ; et une seule nature pour marquer leur inséparabililé. P. G., t. cxxii, col. 240 C. Le nouveau patriarche fut aussi froissé du soupçon porté contre la foi de son Église que mécontent de la réserve faite par Nersès en matière dogmatique. Il rédigea au nom de l’empereur une longue réponse dépourvue de toute aménité, où ni le passé de l’Lglise arménienne ni son attitude présente n’étaient ménagés. Texte conservé par la Disputalio II* Thcoriani, P. G., t. cxxxiii, col. 223232. Non seulement le légat byzantin devait obtenir la suppression pure et simple de la formule incriminée, sous laquelle se cachait ou une hérésie formelle ou une erreur inconsciente, op. cit., col. 224 1), 225 A ; i) lui fallut de plus exiger l’abolition de certains usages liturgiques et disciplinaires. Théorianos, chargé à nouveau des négociations, emportait en outre deux autres lettres de pure politesse, l’une de l’empereur, l’autre du patriarche. Le catholicos consentit à toutes tes exigences des Byzantins, mais conseilla la prudence. Un conseil national pouvait seul sanctionner les réformes qu’il s’engageait à l’aire ; or, il se savait des ennemis irréductibles ; d’autre part, la divulgation de certaines clauses secrètes venait de le mettre en mauvaise posture. Il ne désespérait cependant pas d’éclairer son peuple ; il travaillait à réunir le synode