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MINISTRE DES SACREMENTS, CONDITIONS A REMPLIR


tion ; on lui donnera seulement ce qui lui a manqué pour que, par l’imposition des mains de l’évêque, il reçoive la force du Saint-Esprit. » Epist., clxvi, 2, P. L., t. uv, c< 1. 1194.

Qu’était eu réalité cette imposition des mains que l’on faisait sur les nouveaux convertis ? Au début, ce ne devait cire qu’une cérémonie de réconciliation avec l’Église : le pape saint Etienne parle d’une imposition des mains in psenitenliam. S. Cyprien, Epist., lxxiv, 1, P. L., t. iii, col. 1128. Dans les textes postérieurs, on attribue à cette cérémonie la vertu de donner le Saint-Esprit. Peut-être est-ce le sacrement de confirmation : il semble bien qu’il en soit ainsi, par exemple pour saint Innocent et saint Léon. Dans diverses sectes hérétiques, en effet, et en particulier chez les novatiens, le rite de la confirmation était mutilé ; les novatiens en avaient supprimé la consignatio avec le chrême, Saltct, p. 36-37 ; d’autres sans doute avaient omis quelque autre partie. C’est ce qui expliquerait la variété des rites de réconciliation que l’on employait, au témoignage de saint Grégoire le Grand, selon les catégories d’hérétiques : aux uns, à ceux, qui n’avaient pas été baptisés au nom des trois personnes, on donnait le baptême ; les autres « sont ramenés au sein de l’Église ou par l’onction du chrême, ou par l’imposition de la main ou par le seule profession de foi ». Epist., t. XI, lxvii, P. L., t. lxxvii, col. 1205 sq. Ce n’aurait donc pas été, du moins dans plusieurs cas, une réitération de la confirmation, puisque ce sacrement n’avait pas été donné. Voir dom Chardon, Histoire des sacrements, p. 184 et sq. Que cela n’ait pas eu lieu assez fréquemment, il serait, par contre, bien téméraire de l’affirmer.

Une difficulté plus sérieuse s’élève à propos des faits bien connus de réordinations. M. Saltet étudie dans tous les détails l’annulation des ordinations faites par les papes Constantin, Formose ou Léon VIII, p. 101 sq., p. 152 sq., 168 sq., celle des ordinations entachées de 1’ « hérésie simoniaque » par saint Léon IX p. 181 sq. Ce ne sont pas seulement des mesures disciplinaires, des sanctions destinées à empêcher d’exercer l’ordre reçu ou même à réduire à l’état laïque ; on prétend bien que cet ordre lui-même n’existe pas, que l’ordination est invalide parce que donnée par un indigne, qu’il y a lieu de la réitérer comme si elle n’avait jamais eu lieu. JeanVIII fait réordonner l’évêque de Verceil ordonné par un évêque déposé, Saltet p. 149 sq. ; les clercs ordonnés par Formose sont considérés comme laïcs et déposés à moins qu’ils ne veuillent se faire réordonner, ibid., p. 151 sq. ;.lean XII dépose les clercs ordonnés par Léon VIII et leur fait écrire et signer celle déclaration : « Mon père n’avait rien, il ne m’a rien donné. « Saltet, op. cit., p. 170.

Évidemment des décisions de ce genre ne passaient pas sans protestations. La science théologique subisa sait une éclipse presque totale, jias assez pourtant pour que l’on acceptât sans rien dire de pareilles monstruosités. Les ordinations de Formose, par exemple, cassées d’abord par le concile cadavérique de 897, furent déclarées valides par Théodore II, 897, et par Jean IX, 898, avant d’être à nouveau cassées par Sergius III. El cette dernière décision provoqua plusieurs traités OÙ la doctrine est rappelée, où l’analogie entr< le baptême et l’ordination est mise en lumière, OÙ ta réitération de ces sacrements est condamnée comme un aele hérétique. Saltet, op. cit., p 156 sq.

Ce sont des faits cependant, des laits exceptionnels sans doute, mais qui se reproduisent à diverses reprises, et cela ; i Rome même. Ils sembleraient de nature , i jeter un doute sur la continuité et la fermeté de la doctrine traditionnelle, soit au sujet du caractère Indébile que l’ordination produit el « pu empêche de la

renouveler, soit au sujet du rôle attribué au ministre

et des conditions de moralité ou d’orthodoxie qu’il doit remplir. Il est certainement difficile d’expliquer ces faits autrement que ne le font dom Chardon, col. 893, et Saltet, p. 392, c’est-à-dire par des « déformations doctrinales temporaires », dans lesquelles il entre de l’ignorance ou, si l’on veut, de l’oubli, mais surtout beaucoup de passion, de rancune contre les personnes ou de zèle contre des abus trop criants. M. Saltet ajoute ces réflexions très justes : « La doctrine relative aux conditions de validité du sacrement de l’ordre présente (à cette époque) l’exemple d’une régression doctrinale, la plus caractéristique peut-être de la longue histoire de la théologie. La raison en est que cette doctrine intéresse non seulement la spéculation, mais plus encore la pratique quotidienne, la vie de l’Église et même, à certaines époques de l’histoire, la politique. Dans ces conditions, elle devait subir, plus que toute autre, le contre-coup des grandes crises de l’histoire ecclésiastique. » Op. cit., p. 392. Pour ce qui est des hésitations relatives à la valeur du sacrifice de la messe offert par le ministre indigne, voir art. Messe, col. 1003, 1040, 1047, 1067.

Quand ces crises fuient passées et que s’ouvrit la période des sereines spéculations théologiques, la doctrine retrouva son éclat et sa netteté. Après certaines hésitations des canonistes de Bologne, au sujet des ordinations reçues dans l’hérésie, Saltet, op. cit., p. 298 sq., les théologiens retrouvent le terrain solide. Saint Thomas affirme que la foi du ministre n’a aucune influence sur la validité du sacrement, pour la raison, déjà développée par saint Augustin, que le ministre agit, non en son nom, mais au nom et par la vertu du Christ. Minister in særamentis instrumentalitcr operatur, non agit in virtute propria, sed in virtute Christi. Sum. theol., III a, q. i.xiv, a. 9. Il n’y aurait d’exception que dans le cas où le défaut de foi aurait pour effet le défaut d’intention, si le ministre, ne croyant pas à l’efficacité du rite sacramentel, l’accomplit par moquerie et sans vouloir faire ce que fait l’Église. Ibid., ad lum.

Telle était évidemment la pensée qui dirigeait les Pères du concile de Florence lorsque, énumérant les éléments essentiels de tout sacrement, ils n’en trouvaient que trois : la matière, la forme et le ministre ayant l’intention de faire ce que fait l’Église, — ou encore quand, à propos du baptême, ils rappelaient que le ministre n’en est que la cause instrumentale et que le baptême est réalisé par l’acte du ministre, avec une formule qui l’exprime en invoquant la sainte Trinité. Decr. pro Armenis, Denzinger-Banwart, n. 695 sq.

Le concile de Trente fut plus formel à propos du baptême ; il définit que la foi du ministre n’est pas nécessaire à sa validité : Si quis di.rent baptismum qui etiam datur ab hæreticis in nomine Patris et FilU el Spiritus Sancti, cum intentione faciendi quod facit Ecclesia, non esse verum baptismum, anathema sit. Scss. vii, De baptismo, cari. I. Il est intéressant de noter que, dans les projets de canons qui furent présentés à la congrégation générale qui préparait immédiatement la session solennelle, le mot hérétique élait expliqué ainsi : duto etiam quod luerelicus de baptismo, de sancta Trinitate, aut île intentione Ecclesise aliter sentiat quam oportet. Theiner, Acta genuina conc. Trident. . I. i, p. 157 : Cône. Tridentinum. FtibOUrg-en-B., 1911. t. v, p. 985. C’était une évidente allusion aux incertitudes qui avaient existé autrefois. I.’incise fut supprimée sur le désir de certains des l’ères. sans que la raison de ce désir suit mentionnée.

four les autres sacrements, il n’est donc pas de loi que leur validité ne dépend pas de l’orthodoxie de

celui qui les confère. Quelques théologiens, se Fondant

sur les fails que nous avons cités, ont pensé que la