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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/250

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MINISTRE DES SACREMENTS — MINUCIUS FÉLIX


oserait administrer un sacrement « à ceux à qui le droit divin ou le droit ecclésiastique défend de les recevoir » encourrait une suspense, jcrcndie sententiæ et d’autres peines au jugement de Pévêque, can. 2304.

2. Enseignement des moralistes.

Ils distinguent

ceux qui sont absolument incapables de recevoir le sacrement et ceux qui en sont indignes.

Donner un sacrement à quelqu’un qui est incapable de le recevoir validement, serait un sacrilège qu’aucun motif ne peut excuser.

Donner un sacrement à quelqu’un qui, sans être incapable, est indigne de le recevoir, est également défendu : c’est une question de respect du sacrement dont le ministre est le dispensateur et le gardien au nom du Christ ; et c’est aussi une question de charité, puisqu’en donnant un sacrement à un indigne, il coopérerait à un sacrilège. Cependant certaines complications très graves peuvent se présenter, qui excuseront ou même exigeront une exception à la règle, par exemple la crainte de violer le secret sacramentel, ou de scandaliser gravement les fidèles et de les écarter des sacrements, ou de nuire gravement à la réputation de celui dont on révélerait publiquement un péché secret. Les moralistes résument en trois règles pratiques la conduite à tenir : 1. On refusera toujours les sacrements à celui qui en est publiquement indigne. — 2. On les refusera au pécheur secret qui les demande secrètement. — 3. On ne les refusera pas au pécheur secret qui les demande publiquement. Ces règles se comprennent facilement ; les détails d’application en sont donnés par tous les moralistes.

Pour la partie dogmatique et morale de cet article, on consultera les divers traités de théologie sacramentaire, en particulier : saint Thomas, Summa Iheolog., III a, q. lxiv ; Suarez, De sacramentis, éd. Vives, Paris, 1860, t. xx, p. 238 sq. ; De Lugo, Traclatus de sacramentis in génère, éd. Vives, Paris, 1869, t. iii, p. 369 sq. ; Drouin, De sacramentis in génère, dans Theologiæ cursus completus de Migne, t. xx, col. 1360 sq. ; Billot, De Ecclesiæ sacramentis, th. xvi-xvra, Rome, 1896, p. 157 sq. ; Lépicier, Tract.de sacramentis in communi, Paris, (1921), p. 217 sq. ; C. Pesch, Prœlecliones dogmaticæ, Fribourg-en-B., 1914, t. vi, p. 102 sq. ; Saint Alphonse de Liguori, Theolog. moralis, t. VI, tract, i, De sacramentis in génère, éd. Gaudé, Rome, 1909, t. iii, p. 13 sq. ; Noldin, De sacramentis, Inspruck, 1920, p. 17 sq. ; Prummer, Manuale theologiæ moralis, Fribourgen-B. , 1915, t. iii, p. 43 sq., etc.

Pour la partie historique, en plus des historiens de l’Église, comme Duchesne, dom Leclercq, voir dom Chardon, Histoire des sacrements, dans le Theol. cursus eompl. de Migne, t. xx ; Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1907, p. 106 sq. ; Saltet, Les réordinalions, Paris, 1907.

L. GODFFROY.

    1. MINUCIUS FÉLIX##


MINUCIUS FÉLIX, apologiste chrétien (n= ou me siècle). — I. Le livre composé par lui. IL Caractères généraux. III. Auteur et date.

I. Le livre.

1° Lactance et saint Jérôme font mention, l’un et l’autre, d’un auteur chrétien qu’ils appellent Minucius Félix et à qui ils attribuent un livre ayant pour titre : Octavius. Lactance, Divin, instit., i, xi, 55, édit. Brandt, Corpus de Vienne, t. xix, p. 46, écrit : Minucius Félix in eo libro qui Octavius inscribitur ; et V, i, 21 sq., p. 402, il le cite, avec Tertullien et Cyprien, comme l’un des apologistes chrétiens. Saint Jérôme, Vir. Ht., 58, P. L., t. xxiii, col. 669, ajoute : Minucius Félix, Romse insignis causidicus, scripsit dialogum christiani et ethnici disputantis qui Octavius inscribitur ; cf. Epist., lxx, 5 ; lx, 10 ; uni, 13 ; In Is., t. VIII, prrcf., t. xxii, col. 668, 595, 502, t. xxiv, col. 289. On ne trouve pas d’autre mention de Minucius dans l’ancienne littérature chrétienne, sauf un mot de saint Eucher de Lyon († 450) : Epistula parsenetica ad Valerianum, P. L., t. l, col. 719 A. De l’auteur Lactance ni Jérôme ne savent rien d’autre que le titre de son livre et sa qualité d’avocat, qu’ils ont

trouvée dans l’ouvrage même. A l’époque de Jérôme, il circulait aussi un ouvrage attribué au même Minucius : De fato vel contra mathematicos. L’auteur du De viris fait observer néanmoins que la différence de style qui se remarque entre les deux ouvrages rend cette attribution bien improbable. Le De. fato a disparu sans laisser de traces ; quant à VOctavius, il s’est conservé dans un unique ms., le Parisinus lat. 1661, le cod. Bruxell. 10 847 n’étant qu’une copie faite au xvie siècle sur le précédent.

2° Publié pour la première fois en 1543, VOctavius ne fut pas d’abord identifié. Le premier éditeur, Faustus Sabœus de Brescia, conservateur à la Bibliothèque vaticane, trompé par le ms. qu’il publiait, le donna comme le VIIIe livre du traité d’Arnobe : Disputationes adversus génies. Le copiste, en effet, ayant terminé le 1. VII d’Arnobe avait transcrit aussitôt après : Incipit liber VIII féliciter, au lieu de Incipit liber « Octavius ». Mais, dès 1560, le jurisconsulte français, François Bauc’oin, découvrait l’erreur, et VOctavius était restitué à son véritable auteur ; la démonstration de Baudoin emporta immédiatement la conviction ; le prétendu 1. VIII d’Arnobe différait profondément des élucubrations du rhéteur africain ; il correspondait de manière exacte au signalement court, mais précis, qu’avaient donné de VOctavius Lactance et Jérôme. Cette position n’a plus jamais été modifiée, bien que des centaines de chercheurs se soient appliqués à l’étude de ce petit livre.

3° Tel qu’il se présente, il comporte après une courte introduction destinée à en expliquer le titre, le récit d’une joute oratoire entre deux personnages, l’un païen, Cécilius Natalis, l’autre chrétien, Octavius, tenue à Ostie, sous la présidence de Minucius Félix, chrétien lui-même. Après avoir entendu l’un et l’autre plaidoyer, l’arbitre attribue la victoire à Octavius ; Cécilius d’ailleurs se déclare lui-même vainqueur… mais des préjugés qui l’empêchaient d’aller vers le christianisme. Il est prêt à étudier sérieusement cette religion nouvelle dont il avait dit tant de mal. Et les trois amis se séparent « heureux et joyeux, Cécilius d’avoir cru, Octavius d’avoir vaincu, Minucius de la foi de l’un et de la victoire de l’autre ». xl, 4. Comme on le voit, il s’agit, moins d’un dialogue platonicien ou cicéronien, que de deux discours successifs dont le second répond point par point au premier. Le tout est d’ailleurs d’une facture littéraire parfaite, tant au point de vue du style que de la composition. Il est peu d’écrits de l’ancienne littérature chrétienne qui, sous ce rapport, puissent rivaliser avec celui-ci.

Les idées mêmes, sans être bien profondes, valent la peine d’être relevées. L’argumentation -vigoureuse que mène Cécilius contre le christianisme, v-xiii, s’inspire du scepticisme religieux et philosophique en honneur dans les milieux romains sous l’Empire. Ce que le païen reproche aux chrétiens, c’est la précision, disons la raideur, de leurs enseignements sur Dieu, la création, la Providence, les fins dernières, et spécialement la résurrection corporelle et les rétributions de l’autre vie. Sur ces divers points ilfaut, estime-t-il, savoir ignorer. Et pour ce qui est du culte, le mieux est de s’en tenir à la religion traditionnelle qui a fait la grandeur de Borne. Le christianisme, au contraire, ne saurait que nuire à l’Empire. Becrutée dans les bas-fonds de la société, se livrant à des désordres sans nom, propagatrice de multiples erreurs, la nouvelle secte est justement méprisée. Et Cécilius termine sur l’idée par laquelle il avait commencé : Toutes choses sont incertaines, le mieux est de s’en tenir aux vieilles coutumes, « de crainte de faire naître une superstition de vieille femme ou de détruire toute religion. » xiii, 3.

Point par point, Octavius répond à ce réquisitoire.