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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/390

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MOGHILA, LA CONFESSION DE FOI


sûrement pas pour Pierre Moghila, qui avait à sa disposition l’imprimerie de la Pechtcherskaïa Lavra. La vraie raison de l’abstention de celui-ci, nous l’avons déjà dite : Plusieurs des corrections et additions doctrinales de Syrigos lui déplurent comme contraires à ses convictions et à celles de son entourage. Les Kiéviens avaient sans doute fait appel au patriarche œcuménique pour trancher certaines questions, qu’ils avaient débattues dans leur synode de Kiev en 1640 : mais ils ne croyaient pas à l’infaillibilité doctrinale de l’évêque de la Nouvelle-Rome, et lorsque celui-ci heurta par trop leurs opinions et ce qu’ils considéraient comme l’expression de la foi orthodoxe, par exemple, la croyance à la vertu consécratoire des paroles du Seigneur et à l’existence du purgatoire, ils firent la sourde oreille. Sans se révolter ouvertement contre un enseignement qui n’était pas le leur, pour ne pas compromettre l’orthodoxie orientale en face du catholicisme et du protestantisme, ils n’en gardèrent pas moins leur théologie propre et continuèrent à la propager par la parole et par la plume. C’est pour cela qu’ils oublièrent leur ancien catéchisme, qui n’était devenu la Confession orthodoxe qu’en cessant d’être orthodoxe à leurs yeux, et au lieu de l’éditer, Moghila publia son Petit catéchisme et son Trebnik, dont l’enseignement, nous l’avons vu plus haut, est opposé sur plusieurs points à la théologie de Syrigos. Il fallut attendre qu’un drogman de la Sublime Porte, le célèbre Nicousios Panaghic tis, prît sur lui de faire imprimer la fameuse Confession avec le concours bénévole du gouvernement hollandais. Comme l’a établi E. Legrand, Bibliographie hellénique du XVIIe siècle, t. ii, p. 202-216, cette première édition fut faite à Amsterdam, en 1667, dans le texte grec seulement. E. Legrand, ibid., en donne une description détaillée et fort intéressante au point de vue historique, avec les pièces liminaires.

Cette publication venait à point pour alimenter la grande controverse qui avait commencé en France en 1665 entre catholiques et protestants sur la perpétuité de la foi de l’Église catholique touchant l’eucharistie. Quand il en commanda l’impression, Panaghiotis avait-il eu vent de la querelle, et songea-t-il aussitôt que le document pourrait attirer l’attention de l’Occident sur l’Église grecque, et qu’il en résulterait pour elle et pour lui quelque rayon de gloire ? C’est fort possible, et même probable, s’il est vrai, comme l’affirme Legrand, loc. cit., p. 201, que le manuscrit ne fut pas envoyé dans les Pays-Bas avant 1665. Si Panaghiotis a pensé cela, il ne s’est pas trompé. Adressée par le marquis de Nointel, ambassadeur de Louis XIV auprès du sultan, aux auteurs de la Perpétuité de la foi, dès le milieu de l’année 1671, la Confession orthodoxe est déjà utilisée par Antoine Arnauld dans sa Réponse générale au nouveau livre de M. Claude, publiée à la fin de la même année. Dès lors, elle revient continuellement dans la controverse. Non seulement Arnauld, mais le P. Anselme Paris, Richard Simon, Eusèbe Renaudot font appel à son témoignage pour établir la croyance de l’Église grecque au dogme de la transsubstantiation et au septénaire sacramentel, tandis que les polémistes protestants, comme Claude, Aymôn, T. Smith, cherchent à en diminuer l’autorité, en disant qu’elle est l’œuvre d’un faux grec, d’un grec latinisé. Cf. Perpétuité de la foi de l’Église catholique touchant l’eucharistie, éd. Migne, t. m et t. iv, passim ; Malvy-Viller, op. cit., p. lxxvi-lxxxi, et p. xix-xxi.

Tirée de l’ombre par cette controverse retentissante, la Confession orthodoxe eut de nombreuses éditions à partir de la fin du xviie siècle et durant tout le xviii% et fut traduite en plusieurs langues. La 2e édition grecque parut à Leipzig en 1695 par les

soins du luthérien Laurent Nor marin. Elle reproduisait le texte de l’édition originale, sauf quelques corrections, dues aux frères Likhoudis, et était accompagnée d’une traduction latine faite par Normann lui-même. Quatre ans plus tard, le hiéromoine Anthime d’Ibérie publiait la 3e édition au monastère de Snagov, en Valachie, avec de nombreuses pièces liminaires dont la principale était une longue préface de Dosithée, patriarche de Jérusalem, importante pour l’histoire de la Confession. Voir ces pièces et la description de l’édition dans Legrand, Bibl. hell., du XVI Ie siècle, t. iii, p. 61-75. En 1691, paraissait la première traduction roumaine, œuvre du logothète Radu Grecénoul. En 1696, la première traduction slavonne, préparée dès 1685 sur le texte grec revu par les Likhoudis, fut publiée à Moscou, à la demande du métropolite de Kiev, Varlaam lasinskii, et avec l’approbation du patriarche russe, Adrien, qui adressa, à cette occasion, une exhortation à tous les fidèles orthodoxes qualifiant le livre de « divinement inspiré ». Voir cette lettre d’Adrien dans la Lecture chrétienne, 1843, t. iv, p. 376 sq. J. A. Seiner fit paraître une traduction hollandaise à Haarlem en 1722 ; Jean Léonard Frisch, une version allemande à Francfort et à Leipzig, en 1727, sous le titre de Liber sgmbolicus Russorum. A cette version allemande le professeur de Wittemberg, C. G. Hofmann joignit le texte grec et la version latine de Normann, et publia le tout à Breslau, en 1751, en donnant comme introduction une Hisloria catechismi Russorum. W. Blackmore est l’auteur d’une traduction anglaise, Aberden, 1845. Sur ces éditions et traductions et celles qui ont suivi, y compris les plus récentes, voir E. Legrand, op. cit., t. iv, p. 148-156 ; A. Palmieri, Theologia dogmatica orthodoxa, t. i, Florence, 1911, p. 540-546 ; Malvy-Villcr, op. cit., p. lv-lix et 179-180 ; pour les éditions roumaines en particulier, voir I. Bianu et N. Hodos, Bibliographie româneascà veche, t. i et il.

Contenu et particularités doctrinales.

 La Co ; ifession

orthodoxe est un catéchisme rédigé par demandes et réponses, comme tous les catéchismes, et groupant sous une triple division : la foi, l’espérance et la charité, les principales données du dogme et de la morale.

Une courte introduction, composée de trois questions et réponses affirme la nécessité de la foi et des bonnes œuvres pour acquérir la vie éternelle, et vise directement l’erreur protestante du salut par la foi seule. — La première partie, de beaucoup la plus longue (q. iv-cxxvi), traite principalement des vérités à croire et les dispose dans le cadre du symbole nicénoconstantinopolitain, divisé en douze articles. A l’article m est rattachée l’explication de la salutation angélique, telle que la récitent les Byzantins ; à l’article viii, l’explication des sept dons et des fruits du Saint-Esprit ; à l’article ix, les commandements de l’Église, au nombre de neuf, bien distincts de la plupart des commandements de l’Église communément énumérés en Occident ; à l’article x, la théologie des sept sacrements. — La seconde partie (63 questions ) rattache à la vertu d’espérance la doctrine de la nécessité de la grâce et de la prière pour le salut, explique longuement l’oraison dominicale et traite des béatitudes au nombre de neuf, la neuvième étant : Beati eritis, cum vos maledixcrint homines, etc. Les sept œuvres de miséricorde corporelle et les sept œuvres de miséricorde spirituelle sont mentionnées et expliquées à l’occasion de la cinquième béatitude : Beati miséricordes. Par le sujet même qu’elle traite, cette seconde partie est de caractère ascétique. — La troisième partie (72 questions), mise sous le patronage de la vertu de charité, est un petit résumé de morale chrétienne. On y parle de plusieurs choses qui