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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/395

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MOLANUS GERHARD


qui seront dès lors considérés comme légitimes, le droit d’y siéger comme juges. Il serait bon aussi de lixcr quelle majorité serait nécessaire pour terminer les discussions.

Tout l’essentiel des projets de Leibniz et de Molanus tient en ce document, et il ne semble pas que ni l’un ni l’autre se soient jamais écartés de ces grandes lignes. Elles reviennent en bref à ceci : Les protestants commencent d’abord parse réunira l’Église romaine et reconnaissent la juridiction pontificale, mais on ne les oblige pas, du côté catholique, à recevoir le concile de Trente, dont les décrets dogmatiques (et à plus forte raison disciplinaires) sont considérés comme provisoirement suspendus. Ces Églises uniates qui conserveront sur des points importants de discipline leurs usages actuels, seront admises à avoir leurs représentants à un futur concile, où l’on terminera, si besoin est, les controverses dogmatiques.

Spinola à qui s’adressaient ces conditions se rendit-il un compte tout à fait exact de la gravité du point essentiel : la suspension provisoire des décrets dogmatiques de Trente ? C’est vraisemblable. Qu’il fût disposé à faire sur ce point des concessions, c’est une autre affaire. Ses réponses sur le point capital sont toujours évasives. Voir lettre à Leibniz du 4 juillet 1683. Fouetter de Careil, 1. 1, p. 37-38. Mais ce fin diplomate ne s’expliqua jamais non plus sur le caractère inacceptable de cette proposition ; le mieux, pensait-il, était de commencer par causer. Plus tard les protestants, adoucis par certaines concessions pratiques, consentiraient peut-être, moyennant une exégèse énergique, à se départir de leurs préventions à l’endroit du concile de Trente. A Rome, au dire de Leibniz, on était entré jusqu’à un certain point dans les vues de Spinola. Mais vers les années 1684 la politique vint se mettre en travers de tous ces beaux projets ; ce n’est que vers 1690 que les négociations reprirent entre Vienne, Rome et les cours allemandes. En 1691, Spinola, muni cette fois de pouvoirs en bonne forme, venait à Hanovre et reprenait les conversations avec Molanus.

Or c’est à ce moment, et alors même que les négociations continuaient à Rome, que Bossuet fut amené à prendre dans le débat une place importante et à entrer en relations suivies avec Leibniz et l’abbé de Lokkum. Sans doute il avait connu, au moins sommairement, la négociation de 1683, et le 22 août de cette année il écrivait à Spinola : « J’apprends que les affaires dont vous me parliez, ont eu une grande suite et j’ai vu… qu’on avait signé des articles de réconciliation dont le premier était que le pape serait reconnu pour le chef de l’Église (cf. Régulée circa reunionem, vii, édit. Gaume, p. 511). Je vous écrivais par ma précédente… que le Roi louait vos pieux desseins et les apprécierait selon les moyens dont on lui ferait l’ouverture. C’est ce que vous pouvez tenir pour assuré. » Correspondance de Jiossuet, édit. Urbain et Levesque, n. 284, t. ii, p. 391. Pourtant l’évêque de Meaux n’attacha pas sur le moment d’autre importance à cette affaire ; il avouera plus tard « avoir laissé échapper ces papiers de dessous ses yeux. > : Corr., n. 637, t. iv, p. 298.

Ce furent les rapports de Bossuet avec Pellisson, d’une part, et d’autre part avec le couvent de Maubuisson, dont l’abbesse était sœur de la princesse Sophie, femme du duc Ernest-Auguste, qui amenèrent une correspondance régulière entre Meaux et la cour deBrunswick-Hanovre. A la fin de décembre 1691, Leibniz

envoyait à BosSUel en deux l’ois (1 7 et 28 décembre) un ouvrage que venait de rédiger Molanus. Il s’agit des Cogilation.es privâtes de Methodo reunionis Ecclesiæ protestantium cttm Ecclesia romand caiholica a theologo quodam Augustanse Confessioni sincère additto, citra cujusvis præjudicium in charlam confectte et su.perioru.rn suoriun consensu privatim communicatse cum ltt mo ac

R mo D. D. J. Benigno S. R. E. Meldensi episcopo non minus erudilionis quant moderationis laude eonspicuo hoc fine ut in timoré Dei examinentur publici autem juris nondum fiant ; texte reproduit dans les édit. de Bossuet (édit. Gaume, t. viii, p. 523-539 : traduction française faite par Bossuet lui-même, p. 539-550). Cet écrit n’est certainement pas identique au Melhodus reducendæ unionis, signalé par Albritius (ci-dessus col. 2082) ; Molanus, comme il ressort de la correspondance de Leibniz avec Bossuet, Corr., n. 668 et 673, y c’claircissait ce qui avait été traité autrefois avec l’évêque de Neustadt. Voir Corr., t. iv, p. 378.

Les Cogilaliones privalx s’en tiennent strictement, d’ailleurs, au point de vue signalé plus haut : union préliminaire des protestants et des catholiques moyennant des concessions réciproques, et seulement ensuite étude des controverses doctrinales qui les divisent. Ces controverses doctrinale sont relativement faciles à aplanir, et des conférences régulières entre théologiens des deux Églises en auraient sans doute aisément raison ; l’exposition irénique de la doctrine catholique et de la dogmatique luthérienne sur ces divers points, suffirait à montrer que, dans la plupart des cas, les divergences sont plus verbales que réelles. Application de cette idée était faite à diverses questions. Que si néanmoins il restait encore des articles qu’on ne puisse ajuster, il faudrait en venir au concile. Ce concile serait assemblé par le pape et aussi général que possible : il ne s’en rapporterait pas aux décrets du concile de Trente, ou de ceux où les dogmes des protestants auraient été condamnés. Nul n’y aurait voix que les évêques, et il faudrait donc, incontinent après la réunion préliminaire, que le pape reconnût les surintendants pour vrais évêques, afin d’être ensuite appelés au concile général non point comme partie ?, maiscemme juges compétents, et y avoir droit de suffrage avec les évêques catholiques romains. Ce concile jugerait, d’après la sainte Écriture, le consentement unanime des cinq premiers siècles, et encore le consentement des sièges patriarcaux actuels ; les questions seraient résolues à la pluralité des voix ; après la fin du concile et la publication de ses canons, les deux parties seraient tenues d’acquiescer à la décision sous les peines portées par les canons.

Même avant d’avoir reçu les Cogilaliones privatæ, Bossuet avait exprimé son sentiment sur le point essentiel du débat. Dans une lettre à Mme de Brinon (secrétaire et confidente de l’abbesse de Maubuisson), se référant aux projets offerts à Spinola en 1683, (qu’il avait donc moins oubliés qu’il ne dit), il écrivait dès le 23 septembre 1691 : « Encore que (le projet d’accord) ne soit pas suffisant, c’est quelque chose de fort utile que de faire les premiers pas de la réunion… Mais pour ne pas se tromper dans ces projets d’union, il faut être bien averti qu’en se relâchant selon le temps et l’occasion sur les articles indifférents et de discipline, l’Église romaine ne se relâchera jamais d’aucun point de la doctrine définie, ni en particulier de celle qui l’a été par le concile de’fiente. » Corr., n. 637, l. IV, p. 299 ; cf. Lettre de Leibniz à Mme de Brinon, dans Foucher de Careil. I. r, p. 178.

Aussi Leibniz à qui cette lettre avait été communiquée ne put être surpris par les réponses queBossuet lui envoya le 1U janvier et le 26 mars 1692. Corr.. n. 080 et 718, t. v, p. 8 et 88. La première rappelait de manière explicite les grands principes qui dominaient toute la question ; la seconde était peu encourageanle pour le résultai des négociations. « il ne faut rien oublier pour rapprocher les deux partis, écrivait l’évêque de Meaux ; niais aussi ne faut-il pas se flatter ni donner pour facile de noire côté ce qui dans le fond ne le serait pas. » Sans doute la lecture des Cogilaliones privatæ lui avait montré que, sur le détail des