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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/405

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MOLINISME, LA LIBERTÉ


lin (De civ. Dei, t. V, c. i, iv, ix ; De hæres., 35, 46, 70, elc) : Cicéron, Hardesane, Priscillien, les manichéens, les pélagiens, jusqu'à celles de Luther et de Calvin, en passant par celles d’Abélard et de Wiclefï. Pour résoudre la question, toujours actuelle, de leur accord, Molina étudie au préalable : 1° la nature, l'étendue et l’existence du libre arbitre ; 2° le concours divin et l’existence de la contingence (col. 2109).

Deux principes domineront toute cette étude : Etant donné l’existence de la prescience divine, de la providence et de la prédestination, il ne faudra accorder à la liberté que ce qui ne porte préjudice à aucune de ces réalités. — Il est non moins évident, de par la foi et l'Écriture, que la liberté humaine existe, sans que la prescience, la providence, la prédestination, la réprobation, la grâce, en entravent l’exercice. (Ad art 13, q. xiv, disp. I, p. 3.)

I. i.i liberté UVMA.ISE. - 1° Sa nature. — -Les lutlié.iens confondent liberté et spontanéité ; mais à c : c libertas a coactione qui convient même aux actes fies déments, des enfants et des animaux, il faut opposer la libertas a necessitate, faculté d’agir et de ne pas agir alors que toutes les conditions de l’action sont posées, ou de faire une chose alors qu’on pourrait faire le contraire. Pareille faculté suppose un choix, c’est pourquoi on l’appelle libre arbitre.

Le libre arbitre peut donc se définir voluntas in qua formaliter sit libertas explicata, prævio judicio rationis ; et l’agent libre se distingue de l’agent naturel en ce que celui-ci agit nécessairement, lorsque toutes les conditions requises pour l’action sont réalisées. (Q. xiv, a. 13, disp. II, p. 10-11)

Son domaine.

Pour la clarté de l’exposition,

il faut considérer ici les quatre états dans lesquels peut se trouver la nature humaine : l'état de nature pure, l'état d’innocence, l'état de péché, l'état de grâce.

En fait, l’homme n’a jamais été et ne sera jamais dans l'état de nature pure ; mais cela, seule la révélation nous l’apprend. Dans cet état, il serait doué déraison et de sensibilité ; c’est dire que lui seraient naturels les défauts qui résultent nécessairement de la constitution du corps : faim, soif, fatigue, maladies, mort ; et les mouvements sensibles qui sollicitent la volonté à rencontre de la raison.

Dieu a créé l’homme dans l'état d' « innocence ». L’ayant destiné à une fin surnaturelle et ayant voulu qu’il parvînt à cette fin per propria mérita eidem fini rongruentia, il lui a donné, non seulement des principes par lesquels il pourrait mériter la vie éternelle : les vertus surnaturelles, mais la justice originelle, soustrayant son corps à la fatigue, à la maladie, etc., et contenant ses puissances sensibles. Ainsi, l’homme pouvait suivre avec promptitude et facilité les commandements et mériter la vie éternelle.

Le péché d’Adam eut ce double effet, de dépouiller l’homme des dons surnaturels, et de priver les forces naturelles de la vigueur qu’elles tenaient de la justice originelle ; il a laissé ces forces dans l'état où elles eussent été si l’homme avait été créé in puris naturalibus, ainsi que l’enseigne saint Thomas, I a, ([. xcv, a. 1. Si donc on peut dire que le péché a blessé l’homme in naturalibus, c’est en considérant comme naturelles la justice originelle et la vigueur qui résultait de sa présence, quoique ce soient là des dons surnaturels. Par conséquent, non seulement le péché n’a pas détruit la liberté ; mais s’il l’a atténuée et inclinée selon l’expression du concile de Trente, m-ss. vi, c. i, Denz., n. 793, c’est par comparaison avec l'état « d’innocence », non avec l'état de nature pure.

La volonté reste libre, non seulement par rapport aux actes qui lui sont connaturels, mais encore par rapport aux actes surnaturels, qui supposent le secours de la grâce et sont accommodés à la fin surnaturelle.

Elle peut coopérer ou non avec le secours divin, ou même poser des actes qui lui sont opposés. Les actes surnaturels dépendent donc à la feis de la grâce et du concours de la volonté, comme le définit le concile de Trente, sess. vi, can. 4 sq., Denz., n° 814 sq. (Q. xiv, a. 13, disp. III, p. 15-19.)

Son pouvoir.

1. Dans l'état d’innocence, en

raison de la justice originelle, nos premiers parents pouvaient, avec le seul concours général de Dieu, éviter tout péché, même véniel, en accomplissant toute la loi naturelle ; c’est l’opinion commune des docteurs et celle de saint Thomas, I a -Il æ, q. cix, a. 2, 3, 4, 8, 10 ad 3um. Ils pouvaient de même, en raison des dons surnaturels de foi, d’espérance, de charité et de la grâce, opérer leur salut et mériter la vie éternelle, sans autres secours spéciaux, et avec le seul concours général de Dieu ; c’est encore l’opinion commune. Ils avaient donc la liberté la plus entière, soit pour écarter ce qui pouvait les détourner de leur fin naturelle ou surnaturelle, soit pour faire tout ce qui était nécessaire pour atteindre ces fins. (Q. xiv, a. 13, disp. IV, p. 19-20.)

2. Hors de l'état d’innocence, avec le seul concours général de Dieu, l’homme peut vouloir et faire des actes moraux accommodés à sa fin naturelle, qui soient vraiment bons et vertueux par rapport à cette fin, puisqu’il est bâti pour cela, avec son intelligence et sa liberté. (Q. xiv, a. 13, disp. V, p. 24.) Mais il est incapable de rien faire qui conduise à sa fin surnaturelle, sans un secours d’ordre surnaturel. Ceci est vrai, même de tout acte qui serait, de la part de la volonté ou de l’intelligence, une préparation lointaine à la grâce, et s’explique, contrairement à l’erreur de Pelage, par le fait que la nature est sans commune mesure avec la félicité éternelle et avec l’ordre surna turel. (Q. xiv, a. 13, disp. VI, p. 26-27).

Une fois posés ces principes, dont le premier est d’opinion commune chez les scolastiques, à l’exception de Grégoire de Rimini, de Capréolus et de quelques autres, et dont le second est un article de foi, on peut étudier la coopération du concours général de Dieu, de la grâce et de la liberté dans les principaux actes surnaturels.

a) L’acte de foi. — On peut le considérer d’abord dans sa substance, en tant qu’il est purement naturel. Il a toujours semblé à Molina, comme à Miranda, Cajétan, Scct, etc., que, de ce point de vue, l’acte de foi est à la portée de la volonté libre aidée du seul concours général de Dieu ; que, si l’on propose à quelqu’un des vérités en les lui expliquant, en lui démontrant qu’elles sont révélées et imposées à la foi, il peut, avec le seul concours général de Dieu, y adhérer par un acte purement naturel, insuffisant pour la justification. N’est-ce pas un fait d’expérience, et saint Thomas n’admet-t-il pas que l’hérétique errant sur un point de foi donne aux autres vérités révélées un assentiment purement naturel ? II a -II a q. v, a. 3. Mais pour n'être pas simpliciter necessahum, le secours.de la grâce intervient très souvent ici, en raison des difficultés de la foi naturelle. (Q. xiv, a. 13, disp. VII, p. 30-35.)

Quant à l’acte de foi nécessaire peur la justification, il suppose un secours particulier de grâce prévenante et excitante, s’adressant à l’intelligence et à la volonté. C’est la vocation interne à la foi. Ces grâces d’illumination et de motion sont suivies d’un acte libre de volonté commandant l’assentiment intellectuel, et de cet assentiment lui-même. On dit que, par ces deux actes, l’adulte arrive librement à la foi.

Vient enfin, de la part de Dieu, l’infusion dans l’intelligence d’un habitas fideisupernaturalis, par lequel le fidèle fera désormais à volonté l’acte de foi surnaturel, avec le seul concours général de Dieu. Cet Iwbitus