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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/415

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MOLINISME, LA PREDESTINATION


il sera placé dans tel ou tel ordre de choses, ne relève pas de la science libre, mais de la science moyenne qui précède tout acte de volonté libre ; il en conclut que l’ordre des moyens qui conduiront chaque prédestiné à sa fin n’est pas postérieur à l'élection qui, de la part de Dieu, est tout à fait libre. En réalité, Dieu a choisi les prédestinés par le fait même qu’il s’est complu dans les moyens et la fin qu’il prévoyait pour eux. Soutenir la nécessité d’un choix antérieur, c’est transporter en Dieu une imperfection de notre intelligence, pour laquelle le choix des moyens n’est possible qu’en vue d’une fin préalablement voulue.

D’autres afïirment que l’acte d’intelligence inclus dans la prédestination, n’est pas une vue ou un jugement, mais un ordre analogue à une loi ou à un précepte. Pareil ordre, déclare Molina, est parfaitement inutile : il suffît que l’intelligence connaisse les moyens, pour que la volonté choisisse entre eux et meuve à l’opération. (Q. xxiii, a. 1 et 2, disp. II, p. 427-431.) 3. Ses effets.

- Sont compris parmi les effets de la prédestination, d’abord la vie éternelle et tout ce qui touche à l’ordre de la grâce, puis en général tout ce qui contribue de quelque façon à la vie éternelle ou à son accroissement, par exemple le tempérament, la bonne éducation, les prières du prochain, la mort survenant à tel moment plutôt qu'à tel autre. Mais pour qu’une chose soit effet de la prédestination, deux conditions sont requises : 1. qu’elle vienne de Dieu ; 2. qu’elle se rapporte à la béatitude.

On voit par là que le péché ne peut être effet de la prédestination, mais que sa permission le peut, et qu’un bienfait de Dieu, tel que la grâce sanctifiante 7 peut n'être qu’un effet de providence, si celui qui la revoit n’arrive pas à la vie éternelle. (Q. xxiii, a. 1 et 2, disp. III, p. 431-432.)

La réprobation.

1. Notion. — La réprobation

est opposée directement, non à la prédestination, mais à l’approbation qui est un acte d’intelligence. On peut la définir : « Un jugement éternel par lequel Dieu juge la créature raisonnable indigne de la vie éternelle et digne du châtiment, accompagné du dessein de l’exclure pour toujours du royaume céleste et de la punir selon ses péchés ». A notre point de vue, l’approbation est postérieure à la prédestination, car la prédestination ne suppose pas que le prédestiné soit digne du salut, c’est au contraire par elle que Dieu décide de lui donner les moyens de devenir digne de la vie éternelle. Par le fait même qu’il le prédestine ainsi, Dieu prévoit absolument que le prédestiné sera digne du salut et il l’approuve comme tel, c’est-à-dire qu’il le juge éternellement digne de la vie éternelle, et pour cette raison se propose absolument de le récompenser. Il y a donc lieu de considérer en Dieu une double élection : 1. il nous a élus avant la création pour que nous sotjons saints, c’est la prédestination dans le Christ ; 2. il nous élit parce que nous sommes saints, c’est l’approbation qui sera exprimée au jour du jugement. A l’approbation est opposée la réprobation ; mais à la prédestination aucun acte n’est opposé parce que, si Dieu est cause du salut par les moyens qu’il donne pour y arriver, il n’est pas cause de la damnation qui relève de la seule volonté du pécheur.

2. Effets. - ("est d’abord l’exclusion actuelle du royaume céleste, effet commun à tous les réprouvés, puis les peines du sens, punition des péchés actuels ; mais les péchés pour lesquels on est réprouvé ne sont pas des effets « le la réprobation, parce qu’ils n’ont pas Dieu pour cause.

Il est vrai que le péché n’est produit et que le

pécheur ne s’endurcit qu’avec la permission de Dieu ;

mais ce tl’esl pas une raison pour affirmer, avec saint

Thomas (q. xxiii, a. 3) et Driedo (Concordia, c. 0, que

la réprobation inclut la volonté de permettre le péché et l’endurcissement, comme la prédestination inclut celle de donner la vie éternelle et les moyens pour y arriver ; la réprobation, on l’a vii, n’est pas opposée à la prédestination, mais à l’approbation, elle signifie un jugement excluant l’indigne de la récompense proposée, et il est évident qu’aucune indignité ne précède, chez l’homme en état de grâce, la permission du premier péché. La volonté éternelle de permettre les péchés qui entraîneront la réprobation ne fait donc pas partie de celle-ci, elle n’en est qu’une condition sine qua non. Peut-être saint Thomas n’a-t-il pas voulu dire autre chose.

La permission même du péché est-elle un effet de la réprobation ? Oui, en un sens, parce qu’elle fait partie d’un plan général de manifestation de la justice divine ; mais elle a d’autres fins, et plus importantes : le respect de la liberté créée, et la possibilité du mérite, comme le dit saint Thomas ; l’occasion fournie à l’incarnation et à la rédemption ; les luttes et les victoires des justes ; toutes choses où se manifestent magnifiquement la bonté, la puissance, la sagesse, la justice de Dieu. Sauf dans le sens indiqué plus haut, la permission du péché, l’endurcissement et la damnation sont donc tout simplement des elTets de la providence, et non de la réprobation : Dieu n’a créé personne pour la damnation ; il ne la veut que d’une volonté conséquente ; ce n’est pas pour elle qu’il permet le péché et l’endurcissement.

Il faut par suite, rejeter aussi l’opinion de ceux qui se représentent Dieu comme ayant décidé, pour ainsi dire, d’abord de créer tous les hommes et les anges, puis de donner la béatitude aux uns (les élus) et non aux autres (les réprouvés), enfin de fournir aux premiers les moyens de salut (prédestination) et de permettre aux autres le péché et l’endurcissement. La réprobation n’est pas cet acte arbitraire, antérieur à toute considération de mérite et de démérite : beaucoup d’hommes sont exclus de la vie éternelle et punis pour leurs péchés ; Dieu en a décidé ainsi, non dans le temps, mais dans l'éternité ; voilà en quel sens, il y a de sa part une réprobation éternelle. (Q. xxiii, a. 3, p. 433-439.)

II. CAUSE DE LA PRÉDESTINATION. —A CC sujet

on se posera les questions suivantes : 1. La prédestination a-t-elle une cause dans les prédestinés ? 2. Le Christ a-t-il été, par ses mérites, cause de notre prédestination ? (col. 2134).

1° La prédestination a-t-elle une cause dans les prédestinés ? — -Enelle-même, la prédestination n’a d’autre cause que la volonté divine ; niais on peut se demander pourquoi Dieu prédestine celui-ci plutôt que celui-là, et si le prédestiné est pour quelque chose dans les faveurs dont il est l’objet.

1. Réponses rejetées par Molina. --- Il faut évidemment écarter les erreurs de Luther qui nie la liberté et le mérite, de Pelage qui attribue au seul mérite de l’homme tout l’effet de la prédestination, et de saint Augustin qui croyait avant son épiscopat à la possibilité d’un acte de foi salutaire, sans la grâce. On se trouve alors en présence de plusieurs opinions chez les catholiques. (Q. xxiii, a. I et 5, disp. 1, niemb. 1 et 2, p. 439-442.)

Dans son opuscule sur la prédestination adressé au concile de Trente, le seul que Molina ait lii, Ainhroise Catharin soutient que Dieu, tout en donnant à tous les hommes les moyens de se sauver s’ils le veulent, en a choisi quelques uns, lesprédestinés, qu’il a aimes d’un amour de prédilection et auxquels, sans supprimer leur liberté, il a donné tant de grâces qu’il est presque impossible qu’ils ne soient pas sauvés. Cette opinion déplaît à Molina, parce qu’elle ne range pas au nombre des prédestinés tous ceux qui seront élus, et que ceux