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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/459

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MONELIA ANTOINE — MONETA DE CRÉMONE


prouinciæ monumenta, Turin, 1647, p. 281, il fut nommé par saint Pie V évêque deBrugnato (province ecclés. de Gênes) en 1570 ; c’est là qu’il mourut en 1578, d’après Gams, Séries episcoporum. Il a laissé : Melhodtis et grammatica speculaliva V. Doctoris subtilis, in-8°, Paris, 1604.

Jean-de-Saint-Antoine, Bibliotheca unio. francise, t. i, p. 97 ; Sbaralea, Supplementum, p. 87.

É. Amann.
    1. MONETA DE CRÉMONE##


MONETA DE CRÉMONE, ou SIMO N ETA selon certains chroniqueurs, frère prêcheur italien (xme siècle).

Moneta avait d’abord été maître es arts à l’université de Bologne, et avait acquis une grande renommée. Il s’occupait fort peu de questions religieuses lorsqu’un sermon de Réginald d’Orléans, dominicain qui établissait à Bologne l’ordre nouvellement créé des prêcheurs, opéra sa conversion. Tel est du moins le récit du pieux chroniqueur des Vitæ fratrum. C’était le jour de la fête de saint Etienne, et comme Réginald d’Orléans n’a été présent à Bologne le jour de cette fête qu’en 1218, ce serait peu après cette année-là que Moneta aurait pris l’habit de saint Dominique. Moneta remplit alors les fonctions d’inquisiteur dans le Milanais et les contrées adjacentes. Il poursuivit albigeois et vaudois avec une énergie dont témoigne l’anecdote, peut-être légendaire, selon laquelle il alla arrêter, crucifix en main et suivi d’une petite troupe, son ennemi le cathare Peraldi qui l’attendait en embuscade. Moneta aurait eu des relations d’amitié avec le fondateur de son ordre, et c’est dans sa cellule et même dans une tunique prêtée par lui que mourut saint Dominique de passage au couvent de Bologne en 1221. Moneta aurait ensuite séjourné au couvent de Crémone en 1228, puis au couvent de Mantoue en 1233. On raconte qu’il devint aveugle à force de lire des manuscrits et de pleurer ses péchés de jeunesse. En tout cas il vivait encore assez tard vers le milieu du xme siècle comme l’attestent certains passages de sa Somme contre les cathares : une allusion à la naissance du Christ date cet ouvrage de 1244 (éd. Ricchini, p. 245) ; il fait remonter à « quatre-vingts et quelques années » la prédication de Pierre Valdo qui est de 1160. Ibid., p. 402. Un manuscrit de Palma de la fin du xiii c siècle date l’ouvrage de 1241. En 1243, le maître en décrets, Jean de Dieu, qui dédie son traité De dispensationibus aux religieux mendiants de l’université de Bologne, nomme dans cette dédicace « Maître Moneta, O. P., docteur en théologie, demeurant à Bologne ». Moneta est seul ainsi désigné nommément, ce qui donne à supposer qu’à cette date tardive il conservait son ancien prestige universitaire. Cf. J. F. von Schulte, Die Geschichle der Quellen und Literatur des canonischen Rechts, t. i, p. 66-97.

Moneta aurait composé, sans doute au temps où il était encore maître es arts, un Compendium logiese propter minus eruditos et, peut-être comme dominicain, une problématique Summa casuum conscientiæ. Mais il est surtout connu par sa Somme contre les cathares, où il se nomme, ouvrage demeuré longtemps manuscrit en diverses bibliothèques d’Italie, au Vatican, à Bologne et à Naples, enfin édité avec préface, annotations et biographie intéressante, en 1743, par Thomas Augustin Ricchini, O. P., prieur du couvent de Crémone, théologien de la Casanate et plus tard maître du Sacré-Palais, sous ce titre : Vcnerabilis Palris Monelæ Cremonensis, O. P., S. P. Dominico vqualis advenu » catharos et Valdenses libri quinque, xi.vm-568 p., in-folio, Rome.

L’écrit de Moneta répartit donc en cinq livres toute la matière de l’hérésie : 1° Dieu et le diable, le monde, les anges, l’homme, prophéties et miracles ; le tout selon la doctrine du dualisme absolu ; 2° mêmes

questions selon un dualisme hérétique plus atténué ; 3° le Christ et l’Antéchrist, saint Jean-Baptiste, la sainte Vierge, le Saint-Esprit ; 4° les sacrements, les fins dernières ; 5° l’Église, sa structure, sa morale. Moneta, avait été un inquisiteur habile et redouté qu’on avait surnommé « le marteau des hérétiques ». C’est dans l’exercice de ses fonctions qu’il prit son expérience et sa connaissance des hérésies dont il traite. Il explique aussi qu’il les a étudiées dans les ouvrages des docteurs hétérodoxes. Édit. Ricchini, p. 2, 42, 94. La valeur de son ouvrage est faite de celle de son esprit, exact et précis. Il a compris la nécessité de répondre par des arguments différents aux cathares les plus intransigeants dont le dualisme constitue un manichéisme absolu et à ceux dont le dualisme est mitigé. Ibid., p. 5. Il ne tombe pourtant pas dans les inutilités de l’érudition de détail et a le mérite de réduire, dès le début de son traité, les différentes sectes à deux grandes classes. Rainier Sacchoni, qui donne tant de menus renseignements sur les particularités de chaque secte, finit par aboutir exactement à cette même constatation. Cf. Martène et Durand, Thésaurus novus anecd., t. v, col. 1759-1776. A propos d’une question délicate comme celle de l’origine des cathares, nous voyons encore combien Moneta est à la fois prudent, judicieux et bien informé. Il ne raconte point ce qu’il ne sait pas, c’est-à-dire la préhistoire de la secte, et sait se borner à donner, en une page très pleine, les diverses parentés anciennnes de la pensée cathare : pythagorisme, juiverie saducéenne, manichéisme, théories de Tatien, gnose valentinienne. Ricchini, p. 411. Or il se trouve que nous ne connaissons par ailleurs aucune source directe d’origine cathare de Palbigéisme, si ce n’est une version du Nouveau Testament et un fragment de rituel. La plupart des autres documents d’origine catholique laissent aussi beaucoup à désirer. L’écrit qu’on met sous le nom d’Alain de Lille est mal informé et par exemple il distingue, contrairement aux autres témoignages, les parfaits cathares des consolés cathares. Ecbert de Schônaugen est trop emporté et trop violent pour être une source utilisable sans discernement. Les documents inquisitoriaux, même ceux, relativement si complets, du milieu du xme siècle, sont nécessairement partiels et ne peuvent qu’ignorer l’ensemble de la philosophie religieuse des hérétiques. Ermengaud est écourté et Bonaccorsi plus encore. Evrard de Béthune, Luc de Tuy, la Somme des autorités publiée par Mgr Douais demeurent trop souvent vagues. Etienne de Bourbon est trop ami de l’anecdote et quelque peu fabuliste. Rainier Sacchoni vaut mieux, mais sa Somme, que corrobore celle de Moneta, est loin d’avoir l’ampleur de l’ouvrage monumental de ce dernier. Lorsque Moneta se rencontre avec une autre source sérieuse il s’y montre conforme. Ainsi en est-il pour l’exposé de la cosmogonie cathare, p. 3, du dualisme, de Dieu et du diable, p. 43, de la doctrine cathare sur saint Jean-Baptiste, p. 225-230, sur la sainte Vierge, p. 230-235, sur le Christ, p. 232, 240-248, 380-382, sur l’épiscopat et ses diacres, p. 278, sur les cérémonies du Consolamentum, p. 278, sur les sacrements, ]). 286-309, sur la simplicité du culte et la prohibition des images, p. 454-461. En outre, pour tout ce qu’il a de personnel, Moneta est très bien informé. Si deux théologiens cathares, Didier et Tetry, le premier dualiste mitigé, p. 248, 347-357, le second dualiste absolu, p. 71, 79, sont connus, c’est par l’intermédiaire du seul Moneta qui cite ces sources. A vrai dire, bien que le titre complet de son ouvrage fasse croire qu’il s’occupe des Vaudois autant que des Albigeois, Moneta néglige un peu l’hérésie de Pierre Valdo. Ce qu’il en dit cependant est exact, et il a su discerner les motifs pour lesquels les Pauvres de