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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/51

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MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE ROMAINE


L’auteur du Liber pontificalis, au commencement du vie siècle, en parle comme d’un document déjà ancien. Dans un traité contemporain de saint Damase, il est fait allusion à un passage du canon, le sacrifice de Melchisédech ; enfin dans le Dé sacramentis, qui n’est pas postérieur à l’an 400, cf. col. 1367, on retrouve la partie essentielle de cette prière.

Quant à son autorité, plusieurs papes dans la suite des siècles se sont chargés de s’en faire les garants, et on ne saurait négliger ce fait d’une importance capitale, c’est qu’il s’est substitué à toutes les autres prières de même genre dans les liturgies latines, et qu’il a fini par devenir pour tout l’Occident la seule forme de la consécration eucharistique.

Ceci posé nous revenons à la préface. Nous avons aujourd’hui au missel romain onze préfaces auxquelles se sont ajoutées récemment les préfaces pour les morts, pour saint Joseph et pour la royauté du Christ ; Les préfaces sont suivies, pour les grandes fêtes, de communicantes particuliers, cette disposition que nous trouvons dans le grégorien, est le fait de saint Grégoire dont la tâche fut souvent de résumer, d’abréger, de simplifier l'œuvre de ses devanciers. Les Sacramentaires gélasien et léonien, comme les autres sacramentaires latins en contenaient un nombre bien plus considérable qu’il faudrait étudier soigneusement, pour se rendre compte de l'état de la théologie liturgique du v » au vu » siècle. Pour s’en tenir au missel d’aujourd’hui, on retrouvera dans ces préfaces le génie de l'Église romaine, d’une théologie si sûre et d’une expression si précise. Unus es Dominas : non in unius singularilate personæ, sedin unius Trinitute subslantiæ, il y a là en une seule phrase un résumé de tout le Credo de saint Athanase et même du traité de la Trinité.

D’après le texte de ces préfaces le sacrifice de la messe est un sacrifice eucharistique, offert par le prêtre au nom de l'Église à Dieu le Père tout puissant pour tous ses bienfaits. L’anaphore des Constitutions apostoliques, conforme aux données juives, réunit tous les titres de Dieu à notre reconnaissance, pour terminer, par son plus grand bienfait, l’incarnation de son divin fils. Les préfaces du missel romain varient ce thème selon les fêtes. C’est Dieu qui a fait briller par son Verbe une lumière nouvelle dans nos âmes ; Lui qui a voulu que le salut du genre humain fut opéré par le bois de la croix ; Lui que nous devons sans cesse louer, mais surtout au jour où le Christ notre Pàque a été immolé, etc. Mais c’est toujours par le Christ que nous rendons grâce au Père.

Le Sanclus par ses trois répétitions est une hymne à la Trinité ; l’addition si caractéristique du Benedictus au texte d’Isaïe s’adresse au Christ salué comme Messie à Jérusalem au jour des Rameaux ; elle est propre aux liturgies latines.

Si l’on met de côté pour un instant le Mémento des vivants, les prières du canon jusqu'à la consécration (Te igitur, Communicantes, Banc igitur, Quam oblalionem) forment un tout homogène, et font suite à la préface. On supplie Dieu le Père par le Christ d’agréer ces dons offerts pour la sainte Église répandue dans tout l’univers, en union avec le pape et les évêques en communion avec lui. Puis l’invocation devenant de plus en plus précise et pressante, on demande à Dieu le Père de faire de cette offrande une oblation bénie entre toutes, le corps et le sang de son Fils bien-aimé. Cette dernière prière, le Quam oblalionem, est encore une de celles auxquelles les liturgistes, désireux de retrouver L'épiclèse dans la messe romaine, ont attribué cette fonction. Nous reviendrons tout à l’heure sur cette question ; contenions-nous de dire pour le moment que cette prière est adressée, comme les deux précédentes, à Dieu le Père, et qu’elle ne ressemble en rien à l'épiclèse proprement dite.

La partie qui suit le Sanclus est intitulée Canon missæ, c’est-à-dire règle et, dans l’espèce, prière fixée, déterminée, officielle pour la consécration de l’eucharistie. Le terme n’est pas le plus ancien pour désigner cette prière et n’est guère employé que depuis le ve siècle. Le terme actio (agere missas) était en usage antérieurement, et il est resté comme titre aux Communicantes de rechange : infra aclionem.

Quant au mémento des vivants, il interrompt à peine cette prière de préparation à la consécration, pour rappeler le souvenir des fidèles qui sont présents, de ceux qui ont offert, en union avec la sainte "Vierge, les apôtres, les martyrs et les saints. Cette prière est marquée comme les autres prières de la messe romaine d’un caractère de discrétion. Le nom des vivants n’est même pas prononcé. Dans d’autres Églises on lisait à haute voix une liste des noms de ceux qui offraient ; on allait parfois jusqu'à souligner l’importance des dons offerts. Ces noms étaient souvent inscrits sur des tablettes, qui étaient comme un Liber vitse.

Consciente sans doute des abus que cette pratique pouvait entraîner, l'Église de Rome la réduisit aux proportions que nous venons d’indiquer. MgrBatiffol, dans ses Leçons sur la messe, est arrivée à en déterminer la date et l’origine avec la plus grande vraisemblance.

Récit de l’institution et consécration. — Dans l’anaphore d’Hippolyte, comme dans la plupart des liturgies, la prière de la préface aboutit à la consécration, à travers des digressions plus ou moins nombreuses. L'Église romaine suit le récit des synoptiques et adopte la rédaction : Qui pridie quam pateretur, au lieu que les liturgies orientales suivent le texte de saint Paul, I Cor., xi, 23 : in qua nocte tradebatur. Nous avons dit à propos de la messe gallicane l’importance de cette variante. Nous nous contenterons de remarquer que tout nous avertit que nous touchons ici au moment décisif de la messe. Tandis que le texte des formules qui ont précédé varie selon les fêtes dans les liturgies latines et même dans la liturgie romaine, on s’interdit de toucher à celle-ci (l’exception du jeudi saint est insignifiante). Chacun des termes est pesé et détaillé avec soin ; on suit pas à pas le récit évangélique avec l’exception bien remarquable des sanctas ac vencrabiles manus suas, et de l’elevatis oculis in cœlum ad te Deum Patrem suum omnipotentem. Chacune de ces actions ainsi déterminée est marquée dans le cérémonial actuel par un geste correspondant du prêtre. Dom Cagin a rendu le grand service de donner un tableau qui permet de comparer cette formule sacro-sainte dans toutes les liturgies. Eucharistia, p. 228-244. On remarquera que, si le récit de l’institution ne suit pas exactement les paroles des synoptiques, les deux variantes que nous avons relevées se retrouvent à peu près partout. Ce qui prouve que, comme pour la forme du baptême, il y eut pour l’eucharistie dans les premiers siècles une rédaction qui fut partout la même, et que l’on peut considérer, sans témérité, comme la forme apostolique.

On sait les discussions qui se sont élevées entre théologiens sur le moment de la consécration. Cette question a été traitée dans l’article Épiclkse. Nous renverrons aussi au traité du P. Pesch, t. vi, p. 352, et surtout à Ed. Bishop, The moment of the consécration, dans Connolly, The liturgical homilies of Narsai, Cambridge, 1909, p. 126-163. Si l’on admet avec dom Cagin et plusieurs autres, et comme on le voit si bien dans l’anaphore d’Hippolyte, que la prière de consécration depuis la préface jusqu'à la doxologie finale ne fait qu’un tout indivisible, les difficultés tombent d’elles-mêmes ; c’est pour avoir oublié le sens du dessin primitif de l’anaphore que certaines liturgies ont changé en quelque sorte l’axe de la