Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1399
1400
MESSE DANS LA LITURGIE, LA MESSE ROMAINE


en était absent. Nous l’avons dit, avec les rares exceptions indiquées, toutes les liturgies d’Orient et d’Occident, et plusieurs dès le ive siècle, récitent le Pater à la messe. C'était le cas spécialement pour la liturgie d’Afrique, si conforme sur la plupart des points à la liturgie romaine, et saint Augustin qui justement nous parle de cette pratique, n’eût pas manqué de nous signaler ce grave écart. On peut même croire que c’est de Rome que les liturgies latines empruntèrent cette coutume. La remarque de saint Grégoire porte sur le moment où l’on récitait le Pater. Et ici certaines divergences se produisaient, les uns le récitant avant la fraction, les autres après ; pour les uns, le Pater se rattache à la communion, pour les autres à la prière de consécration. Mêmes divergences sur le mode de récitation, ici par le prêtre, là par les fidèles, ailleurs par une sorte de dialogue, modo responsorio. Saint Grégoire a préféré, comme il l’avait vu faire à Constantinople, que le Pater fût rattaché au canon, saper ejus (redemptoris) corpus et sanguincm diceremus. Et ceci s'éclaire par l'étude du cérémonial romain de cette époque. Après la prière du canon, le pontife commençait la fraction ; puis il se rendait à son siège dans l’abside, tandis que les ministres à l’autel achevaient de partager les pains consacrés, et de les confier aux acolytes pour la distribution de la communion ; le calice était confié à un sous-diacre. Tout ceci demandait un certain temps, et le Pater n'était récité qu’après. La réforme de saint Grégoire a consisté à transporter le Pater avant la fraction, et donc à le réciter à l’autel, comme un complément du canon, sur le corps et le sang du Sauveur, et ceci est parfaitement conforme à notre texte. Naturellement aujourd’hui avec les rites actuels et sans nous éclairer de l’ancienne liturgie, nous ne comprendrions pas la portée de ce changement qui ne se justifierait guère. Sur tout ceci, en dehors des articles cités de BishopWilmart, voir aussi de ce dernier la dissertation dans la Vie et les Arts liturgiques, 1919, p. 833.

En tout cas la réforme de saint Grégoire nous fait mieux apprécier encore l’importance du Pater à ce moment de la messe. Le protocole liturgique qui précède le Pater et l’embolisme qui le suit, concourent à fortifier cette impression et à nous faire considérer le Pater comme un des éléments principaux de la messe.

La fraction. — La conséquence était donc de faire rétrograder, comme nous le voyons aujourd’hui, la fraction après le Pater. Cette translation a sans doute aussi donné lieu dans la suite à certaines autres modifications des rites anciens. Au lieu d’une formule spéciale pour la fraction et d’un chant de fraction, comme c’est le cas dans la plupart des liturgies, le prêtre aujourd’hui avec les derniers mots de l’embolisme du Pater, divise l’hostie en deux parties. Il pose celle qu’il tient de la main droite sur la patène ; de la partie qu’il tient à la main gauche il détache un fragment, et dépose le reste sur la patène ; et, tenant toujours ce fragment de la main droite, il fait trois signes de croix sur le calice. Les formules prononcées ne répondent plus ici à l’action, comme on aurait pu l’attendre. En rompant l’hostie avec les cérémonies que nous avons dites, il prononce la doxologie finale de l’embolisme du Pater ; avec les trois derniers signes de croix sur le calice, il dit la formule Pax domini sit semper vobiscum. Mais l’accord entre gestes et paroles se retrouve quand, laissant tomber dans le calice qui contient le précieux sang le fragment détaché de la deuxième partie de l’hostie, il dit : Ihrc commixtio cl consecratio corporis et sanguinis D. N. J. C. fiai acetpienlibus nobis in vilain seternam. Tout ce rite de la fraction pourrait sembler, au premier aspect, manquer de suite et de logique, mais il s'éclaire, comme le reste, à la lumière du passé.

La fraction de l’hostie peut être considérée, nous l’avons dit, comme le premier acte de la communion. Elle en était la préparation nécessaire quand le pontife avait à rompre pour le clergé qui communiait à sa messe, et pour les assistants, le pain ou les pains consacrés. Il reproduisait le geste si soigneusement marqué par les synoptiques et par la formule de consécration, fregit dedilque discipulis suis. Les anciennes liturgies et les Ordines romani nous décrivent ce rite avec tous ses détails, mais ici encore rien qui soit purement cérémoniel ; chacun de ces actes est pratique et répond à une réalité. Cependant, comme le remarque Bishop qui n’est pas porté à exagérer ce caractère de la liturgie romaine, « la communion générale des ministres de l’autel dans le sanctuaire, puis des fidèles, chacun à leur rang, devait être solennelle et impressionnante au suprême degré. » Pendant ce temps on chantait le psaume de communion. Souvent, et dès la plus haute antiquité, le ps. xxxiii était choisi comme convenant mieux qu’aucun autre à ce moment. L’acte de tremper un fragment de l’hostie dans le précieux sang était accompagné, nous l’avons dit, dans les anciennes liturgies, par exemple dans la liturgie gallicane, par des formules qui tendaient à exprimer la foi de l'Église dans l’unité et l’indivisibilité du pain et du vin consacrés, du corps et du sang du Christ. La commixtio ou immixlio a encore une autre signification. Dans l’ancienne liturgie romaine une parcelle du pain consacré, trempée dans le précieux sang, était gardée pour la communion du lendemain ; le pape la laissait tomber dans le calice pour figurer l’unité et la continuité dans l'Église d’un même sacrifice. Enfin il arrivait souvent que le pain consacré ou même du pain ordinaire fut trempé dans le précieux sang pour la communion des malades. Cette question importante pour l’histoire du dogme eucharistique a été étudiée avec tous ses développements par M. Andrieu, Immixtio et consecratio, dans Revue des sciences religieuses, 1922, 1923, 1924, réunis sous ce titre : Immixtio et consecratio. La consécration par contact, Paris, 1925 : cf. aussi art. Immixtio, Fermentum, du Diction, d’archéol.

L’Agnus Dei est une addition due au pape Sergius et devait se chanter pendant la fraction. Il met l’accent sur la doctrine du sacrifice. Le Christ, à la fois prêtre et victime, est l’agneau qui efface les péchés du monde. Les trois prières qui suivent ne sont pas, à cette place du moins, d’une époque très ancienne. C'étaient des prières de dévotion privée, préparation à la communion dont le texte variait suivant les pays ; dans les missels anciens on en trouve des types assez nombreux. La première dans notre missel paraphrase le Pax Domini, et rappelle la prière du canon sur l'Église (quam) pacifleare et coadunare digneris. Le baiser de paix vient aujourd’hui après cette oraison. Nous avons dit ailleurs l’importance de ce geste, si usité parmi les premiers chrétiens et qui prend à la messe, au moment de la communion, une signification particulière. Dans les liturgies orientales et gallicanes, il est avant l’offertoire, et l’on a peut-être donné trop d’importance à cette variété qui nous paraît d’intérêt secondaire.

La seconde est une prière de dévotion privée sur la communion au corps et au sang. La troisième exprime une pensée qui se rencontre dans les plus anciennes liturgies, notamment dans les Constitutions apostoliques ; on remarquera qu'à la différence de la précédente elle ne fait allusion qu’au corps du Christ reçu dans la communion.

La communion. — Nous avons dit ce qu'était la communion dans la messe romaine au temps de saint Grégoire. Elle est aujourd’hui entourée d’un ensemble de formules attachées à chacun des actes du célébrant. Peu de remarques à faire sur ces prières : Panem cseles-