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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/556

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MORALE, RAPPORTS AVEC LES AUTRES DISCIPLINES


droit canonique. — 1. C’est un principe certain qu’il appartient exclusivement à la théologie morale de porter un jugement sur l’obligation de conscience résultant, au for interne ou au for pénitentiel, des lois ecclésiastiques quelles qu’elles soient ; et que, du droit canonique, relève seulement ce qui concerne le for extérieur ou le gouvernement extérieur de l’Église. C’est déjà ce qu’enseignait Dominique Soto au xvie siècle, Neque vero est quod theologis vitio detur hanc sibi assumere provinciaux quæ jurispcritis accommodatior videri potest, quandoquidem canonica jura ex visceribus theologiæ prodiere : civilia vero ex média morum philosophia. Theologiæ ergo est juris canonici décréta ad normam evangelicam exigere, philosophique civilia ex principiis philosophiæ examinare. De justifia et jure, proœmium, Venise, 1589, p. 2 ; voir aussi Bouquillon, Theologia moralis fundamentalis, 3’! édit., Bruges, 1903, p. 52 ; A. Vermeersch, S. J., Theologiæ moralis principia, responsa, consiliù, Rome, 1926, 2 6 édit., 1. 1, p. 9. C’est aussi ce que reconnaissent lescanonistes : de Angelis, Prælecliones canonicse, prolegom., Rome, 1877, t. i, p. Il sq. ; Sanguinetti, Juris ecclesiastici inslitutiones, 3e édit., Rome, 1896, p. 1 ; Wernz, Jus decretalium, tit. ii, 57 sq., 2e édit., Rome, 1905, t. i, p. 71.

2. Il est non moins certain que la théologie morale, aussi bien que la théologie dogmatique, a le droit de recevoir elle-même et d’interpréter, selon les règles de l’Église, les décisions doctrinales du magistère ecclésiastique pour tout ce qui concerne son objet particulier ; et que cette fonction n’est nullement réservée au droit canonique. Car, selon la remarque de Melchior Cano, De locis theologicis, t. VIII, c. vii, ce n’est pas d’après les lois canoniques, mais suivant l’enseignement de la révélation, tel qu’il est fourni par la théologie, que cette doctrine est ainsi affirmée par le magistère ecclésiastique. Ce serait donc une erreur de croire que c’est la fonction des canonistes d’interpréter, soit en matière de dogme, soit en matière de morale, les enseignements ou les décisions des conciles ou autres documents ecclésiastiques.

3. On doit enfin reconnaître que la connaissance du droit canonique est souverainement utile pour l’étude de la théologie morale ; selon cette parole de Melchior Cano : Theologis qui pontificum canones ignorant, multa désuni ad usus theologiæ necessaria. De locis theologicis, t. VIII, c. vi ; et suivant d’Annibale : Juri nullatenus operam dure et theologum moralem se polliceri, desipere est. Summula theologiæ moralis, proœm., sect. ii, n. 16. C’est aussi ce que rappelait Léon XIII dans l’encyclique du 8 septembre 1899 aux archevêques, aux évoques et au clergé de France, citant les paroles du concile provincial de Bourges de 1868 : « Sans la connaissance du droit canonique, la théologie est imparfaite, incomplète, semblable à un homme qui serait privé d’un bras. C’est l’ignorance du droit canonique qui a favorisé la naissance et la diffusion de nombreuses erreurs sur les droits des pontifes romains, sur ceux des évoques et sur la puissance que l’Église tient de sa propre constitution, et dont elle proportionne l’exercice aux circonstances. »

Relations avec l’ascétique et la mystique.


1. Suivant les conventions aujourd’hui communément acceptées, l’ascétique et la mystique s’occupent seulement de l’étude de la pratique de la perfection chrétienne, selon qu’elle est réalisée sans le secours ou avec le secours de la contemplation passive manifestement mystique. Cette étude comprend principalement les moyens pratiques à prendre, les obstacles à vaincre, la conduite à tenir, voir Ascétique, t. i, col. 2040, et Mystique, tandis que la théologie morale traite de la doctrine qui doit diriger cette pratique de la perfection chrétienne. C’est ainsi qu’elle traite |

DICT. DE THÉOL. CA.THOL.

notamment de la nature de la perfection chrétienne et de celle des conseils évangéliques, ainsi que la doctrine concernant les actes les plus parfaits des vertus surnaturelles ou les formes les plus relevées de la prière ; voir A. Vermeersch, S. J., Theologia moralis, t. i, p. 6 sq.

2. Il n’y a donc pas lieu, en théologie morale, d’exposer en détail, sous le nom de méthode mystique, les moyens d’acquérir la vertu et la sainteté, ni d’exhorter à l’emploi de ces moyens. Ce rôle appartient, en propre, à l’ascétique. Toutefois rien ne s’oppose à ce que, surtout dans l’enseignement oral de la théologie morale, quelques indications, appartenant réellement à l’ascétique, soient sommairement signalées, puisque l’ascétique, ainsi que nous l’avons [déjà observé, est comme le terme final vers lequel convergent toutes les sciences théologiques. Voir Ascétique, t. I, col. 2038. Il en résulterait, d’ailleurs, le grand avantage de montrer, en passant et selon les occasions fournies par les diverses questions théologiques, les solides fondements théologiques de toute la doctrine ascétique : ce qui contribuerait à en donner une haute estime et aiderait à son influence effective sur toute la vie pratique, de l’étudiant d’abord, puis du prêtre et de l’apôtre.

Quant aux services mutuels que la théologie morale et l’ascétique peuvent et doivent se rendre, on les comprend d’après les indications données à l’article Ascétique. La théologie morale, si elle est bien comprise et prudemment appliquée, loin de nuire à l’estime ou à la pratique de l’ascétique, doit au contraire aider à l’une et à l’autre, pour nous mêmes et pour les âmes que nous sommes appelés à diriger ; voir t. i, col. 2045 sq.

4° Relations avec la philosophie morale et avec les sciences qui en dépendent. — 1. Tandis que la philosophie morale, comme toute science philosophique, traite, selon les lumières naturelles de la raison, de la direction des actes humains vers la fin dernière naturelle, la théologie morale étudie, suivant l’enseignement de la révélation, la direction de ces mêmes actes vers la fin dernière surnaturelle. Il y a donc une différence spécifique entre ces deux sciences morales : du côté de la fin dernière, naturelle ou surnaturelle, vers laquelle les actes sont orientés ; et du côté du principe de connaissance qui est, pour l’une, l’enseignement révélé, et pour l’autre les données naturelles de la raison. Dès lors aussi une différence spécifique du champ d’attribution assigné à chacune. Voir Noldin, S. J., Summa theologiæ moralis, 19e édit., Inspruck, 1926, p. 3 sq.

2. Par le fait que la philosophie morale doit être subordonnée à la fin dernière surnaturelle, dont la direction appartient à la théologie morale sous la conduite de l’Église, il est nécessaire que la philosophie morale garde, vis-à-vis de la théologie morale, une telle subordination qu’elle ne contredise jamais en rien son enseignement, dans la mesure où il a l’approbation de l’Église.

Cette subordination de la philosophie morale à la théologie morale surnaturelle est en même temps une conséquence de renseignement du concile du Vatican, sess. iii, c. iv, concernant, d’une manière générale, la subordination de la raison naturelle et de toutes les sciences humaines à l’enseignement de la révélation, tel qu’il est proposé et interprété par le magistère de l’Église. C’est encore ce que montre la condamnation de la proposition 57e du Syllabus : Philosophicarum rerum monimque scientiu, item civiles leges possunt et debent a divina et ecclesiaslica uuctoritate declinare. Denzinger-Bannwart, n. 1757.

D’ailleurs, en fait, cette dépendance, loin de nuire au développement normal et au progrès de la philo X.

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