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MURNER


Après que la ville de Strasbourg eut chassé les religieux et se fut approprié le couvent des franciscains, elle proposa de donner une indemnité de 52 florins aux religieux qui se soumettraient aux mesures prises et ne feraient aucune difficulté à la ville. Murner accepta et, le 14 août 1420, il promit de ne plus s’attaquer à la ville de Strasbourg et à ses habitants. Il se dédommagea de cette promesse intéressée en montrant d’autant plus d’animosité contre les réformateurs suisses. Avec Jean Eck et Faber, il prit une part active au colloque de Baden, convoqué par les cantons catholiques le 18 mai 1526. Il en publia le rapport détaillé en 1527, et écrivit une série de pamphlets contre les Réformateurs. Quand il connut les détails du colloque, le gouvernement de Zurich se plaignit du langage et des procédés du fougueux franciscain. En janvier 1527, les Bernois, indignés à leur tour des satires virulentes de Murner, envoyèrent à Lucerne des députés pour demander que Murner fût cité devant les tribunaux. Le magistrat de Lucerne, craignant que les Zurichois ne prissent les armes pour venger leur réformateur outrage, défendit à Murner de publier encore des livres de polémique. Lorsqu’en novembre 1527 le gouvernement de Berne convoqua une nouvelle conférence pour le mois de janvier suivant et y invita Murner, celui-ci refusa d’y prendre part. Après la publication des actes du colloque de Berne et de nombreux pamphlets dirigés contre lui-même, Murner se remit à publier plusieurs satires contre ses détracteurs. Berne et Zurich le citent en justice, mais, entre temps, la guerre de religion avait éclaté. Après la victoire des réformateurs sur les cantons catholiques, il fut stipulé dans le traité de paix conclu à Zurich, le 24 juin 1529, que Murner devrait comparaître à Baden devant des juges désignés par Zurich et Berne. Mais le franciscain se sauva sous un déguisement. Il arriva dans le Valais et de là se rendit chez l’électeur Frédéric II dans le Palatinat. Il revint enfin, vers 1530, à Obernai, où les nobles d’Oberkirch lui procurèrent la cure de Saint-Jean. Il y acheva la traduction de l’Histoire de Marc-Antoine Sabellicus. Thomas Murner ne quitta plus sa ville natale, où il mourut avant le 23 août 1537.

II. Ouvrages.

Si, comme nous l’avons exposé, l’existence de Thomas Murner a été fort mouvementée, son activité littéraire n’en a pas moins été prodigieuse. La vraie renommée de Murner se fonde sur ses ouvrages didactiques et sur ses satires. A ces deux catégories nous ajouterons encore ses écrits polémiques contre les protestants.

Ouvrages didactiques.

Quelques-uns de ces

ouvrages concernent l’enseignement de la littérature classique, tandis que d’autres se rapportent aux procédés pour faciliter l’étude de la logique, de la prosodie et du droit.

1. Ce que Murner a fait comme humaniste forme la moindre partie de son œuvre. Il ne s’est fait remarquer sous ce rapport que par la position qu’il a prise dans la querelle sur la valeur pédagogique des poètes païens. Parmi ces ouvrages, citons :

lloncstorum poemalum laudalio, composé en 1503 et publié, en 1507, chez.1. Haller, à Cracovic. Il y réfute les accusations que les disciples de Wimphcling avait portées contre lui à l’occasion de la publication de la Germanianova. De augustiniana hieronymianaque reformatione poelarum, qu’il composa en 1508, lois de son séjour à Fribourg, et qu’il publia, en 1509, (liez.). Schott à Strasbourg. Il s’y propose de rechercher d’après les Pères les vices et les qualités de la (acuité poétique. Son argumentation est fondée en général sur saint Augustin et saint Jérôme. Il prouve que les Pères ont fait grand cas de la poésie ; ils avaient lu les classiques ; ils ont écrit eux-mêmes des

vers. A leur exemple, il est permis de citer dans les arguments théologiques, dans les sermons et dans les poèmes chrétiens des passages d’auteurs païens, quand ces passages contiennent des vérités. Il est injuste de priver les prêtres et les religieux mendiants, qui ont à prêcher l’Évangile, des moyens de se former à l’art oratoire.

De silabarum quantitalibus, imprimé à Francfort, chez son frère Sixte Murner, s. a. ; c’est une réponse à ses détracteurs qui lui reprochaient de ne mesurer que la quantité des syllabes et de ne rien faire sentir de la poetica majeslas.

2. Parmi les œuvres les plus singulières de Murner, il faut compter celles qui ont pour but de faciliter l’enseignement de certaines sciences. Il avait le même principe que Lefèvre d’Étaples sur l’utilité d’employer certains jeux au progrès de l’instruction. A cet effet il imagina des jeux de cartes, d’échecs et de dés. La plupart de ces traités sur les jeux furent d’abord des cours faits à des étudiants. Il a enseigné ainsi la logique, la prosodie et le droit.

Dans les écoles du Moyen Age on exposait généralement la logique d’après les Parva logicalia de Pierre d’Espagne. C’est d’ailleurs dans ce livre que Murner avait étudié. Il lui reprochait trois défauts : latin barbare, texte plein d’erreurs et absence d’images capables d’aider le lecteur. C’est pourquoi il chercha une nouvelle méthode pour enseigner la logique. Il fabriqua des cartes et les publia en conservant le texte de Pierre d’Espagnol : Cartiludium logicæ seu logica poetica vel m°morativa, cum jocondo pictasmatis excitamento pro communi ommium studentum utilitate, Cracovie, 1507. Une seconde édition remaniée a paru en 1509, à Strasbourg. Le même ouvrage a été imprimé, en 1509, à Bruxelles, chez Van Der Noot.

Ses procédés pour enseigner la prosodie sont peut-être plus singuliers encore. C’est d’abord l’image d’une main, pour montrer comment on peut apprendre les quantités en les localisant sur les articulations des doigts ; c’est ensuite une roulette, un trictrac avec des dés, un échiquier dont chaque pièce représente une règle. Il a fait connaître cette méthode étrange dans : Ludus studentum Friburgensium, Francfort, 15Il et 1512, et dans Scaccus infallibilis quantitalis syllabarum, s. I., s. d.

Le jeu, dont il se vantait le plus, était celui qu’i avait inventé pour enseigner le droit. La forme qu’il choisit fut encore celle d’un jeu de cartes. Il a publié à ce sujet : Cliarliludium institute summarie, Strasbourg, 1518. Cet ouvrage se compose de trois parties : la théorie, le jeu et la pratique du jeu. Il faut cependant dire à l’honneur de notre franciscain que, pour propager la connaissance du droit, il a fait des travaux plus utiles que ses jeux. Il regrettait que les membres des conseils des villes fussent obligés de s’en rapporter à des docteurs « latins » qui, profitant de l’ignorance des magistrats, brouillaient les procès, les traînaient en longueur et dénaturaient le droit. Il crut donc faire une œuvre salutaire en traduisant le code. Le premier ouvrage qu’il publia pour vulgariser la science contient, en latin et en allemand, les rubriques des Institules, du Digeste, du Code, du droit canon, des libri /cudorum et de la bulle d’or, ainsi que les régulée juris civilis et canonici : Ulriusque juris tiluli et régule in Alemanicum truducti Wogu/i/m, BAlc, 1518 ; ibid., 1520 ; Lyon, 1530 ; Francfort, 1531. Ce volume fut suivi d’un autre, Intitulé : Instiluten, ein warcr ursprung und fundament des keyserlichen rechiens, Bâle, 1519. C’est la première version allemande du recueil de Justinien. La preuve que l’ouvrage répondait à un besoin, c’est qu’il en parut plusieurs éditions successives : Baie, 1519, ibid., 1520 ; Francfort, 1536 et 1537. Une traduction néerlandaise de cet