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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/648

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MYSTÈRE, EXISTENCE


rapports, inaccessibles à la raison humaine, les théologiens établissent deux catégories de mystères, ceux de l’ordre naturel et ceux de l’ordre surnaturel.

1. Les mystères de l’ordre naturel : mystères relatifs. — Ce sont des vérités cachées actuellement à la raison humaine, mais que celle-ci pourrait découvrir par ses seules lumières, tout au moins quant à leur existence. On ne saurait les appeler mystères que dans un sens très large et relatif.

Ces mystères de la nature renferment deux catégories de vérités. — a) Les unes sont cachées à la raison humaine, uniquement quant à leur existence. Exemples : dans l’ordre physique, les êtres cachés au fond de la mer ou dans le sein de la terre ; dans l’ordre intellectuel et moral : les secrets des cœurs, d’une famille, d’une société. — b) Les autres sont cachées à la raison, non quant à leur existence, car elles sont objet de connaissance expérimentale, mais quant à leur nature intime que notre raison n’a encore pu atteindre. Exemples : dans l’ordre physique, ce qu’est l’énergie physique, l’essence de la matière, l’attraction universelle, l’électricité, etc. ; dans l’ordre biologique, l’assimilation nutritive, la désassimilation, la reproduction, la croissance, etc. ; dans l’ordre psychologique, la sensation, etc. Toutes ces vérités naturelles ne sont, au sens qu’on vient d’exposer, mystères qu’au regard de la raison humaine ; il est vraisemblable que l’intelligence angélique qui atteint l’essence des choses d’une manière intuitive, connaît ces vérités naturelles dans leur raison essentielle. Seule échapperait, même à l’intelligence angélique, la connaissance de l’intime conciliation que doivent avoir entre eux les attributs divins naturellement connaissables. Il n’est en effet possible de concevoir ces attributs divins que par l’analogie des choses créées, et leur conciliation en Dieu (par exemple, d’une part, de la multiplicité des perfections, et d’autre part, de la simplicité divine) échappe forcément à la connaissance naturelle de tout esprit créé, même de l’esprit angélique.

2. Les mystères de l’ordre surnaturel ou théologique : mystères absolus. — Ce sont les vérités que nous ne pouvons connaître sans la révélation divine, tout au moins quant à leur existence.

On les divise aussi en deux catégories. — a) Les mystères surnaturels en un sens large, ou préternaturels, et mieux, mystères de second ordre, sont des vérités dont l’existence seule est inaccessible à l’intelligence créée ; mais une fois cette existence connue par voie de révélation, l’intelligence créée, par ses seules lumières, peut facilement les comprendre. Il s’agit ici de faits dont l’existence dépend de la volonté libre de Dieu. Ainsi, l’existence d’esprits purs, la création du monde dans le temps, le jugement universel, l’institution du sabbat comme jour de repos, l’Église société parfaite et infaillible, son existence sur terre jusqu’à la fin du monde, le pontificat suprême attaché au Siège de Rome, etc. Le concile du Vatican fait allusion à ces mystères du second ordre, quand il déclare : Placuisse (Dei) sapientise et bonilati alia eaque supernaturali via seipsum ac œternæ voluntatis suée décréta humano generi revelars. Sess. iii, c. 2, De revelaiione, Denz.-Bannw., n. 1785. — b) Quant aux mystères surnaturels proprement dits, ce sont précisément ces vérités qui dépassent absolument l’intelligence créée, c’est-à-dire quant à leur existence et quant à leur nature intime. De ces seules vérités il est question dans les documents du magistère cités plus haut.

4° Définitions du mystère surnaturel proprement dit.

— En définissant le mystère surnaturel proprement dit, les auteurs insistent généralement sur ces deux points essentiels impossibilité pour l’intelligence créée d’en découvrir par ses seules lumières l’existence et même, après leur révélation, d’en pénétrer la nature,

verilas quam homo per se nec invenire nec acceptam intelligere unquam potest, dit Schouppe, en une formule qui serait parfaite, si au terme homo était substitué intelleclus creatus. Elem^nta theologise dogmalicse, Bruxelles, 1865, 1. 1, n. 85. C’est la formule qu’on retrouvs, avec des modifications de détails, dans la plupart des manuels de théologie. De forme plus scolastique est cette autre définition qu’on trouve chez Van Noort : Verilas humanam rationem absolule et per se exeedens. De vera religione, n. 14. Absolute indique ici que le mystère ne doit pas être confondu avec les vérités cachées d’ordre naturel, mystères tout relatifs ; per se exclut ici les vérités dont la connaissance ne peut nous parvenir en raison de circonstances accidentelles, éloignement, difficulté d’y atteindre, etc. La définition de Van Noort englobe tous les mystères d’ordre surnaturel, aussi bien ceux de second ordre (quoad exislentiam) que ceux du premier ordre (quoad essentiam). Aussi deimnda-t-elle à être ultérieurement complétée.

II. Existence des mystères proprement dits. —

L’enseignement de l’Église.

- L’existence de mystères

proprement dits est définie comme un dogme de foi par le concile du Vatican, constitution Dei Filius, can. 1 du c. iv. Voir col. 2588. Le premier paragraphe fait appel, pour démontrer l’existence de mystères proprement dits, à l’Écriture et à la Tradition.

1. Écriture.

Le premier texte invoqué est I Cor., ii, 7-8, lequel prépare le ꝟ. 9, cité précédemment par le concile, c. ii, § 2, Denz.-Bannw., n. 1786 : L’œil de l’homme n’a pas vii, ni son oreille entendu, ni son cœur compris les choses que Dieu a préparées à ceux qui l’aiment. Cf. Is., lxiv, 4.

Ces « choses » doivent s’entendre non seulement du bonheur du ciel, mais encore des vérités de l’Évangile objet de la prédication des apôtres et objet de notre foi. D’après les ꝟ. 7-8, invoqués au c. iv, ces vérités sont des mystères proprement dits. Saint Paul prêche la sagesse, la sagesse de Dieu, au sujet de laquelle il s’exprime en des termes qui supposent qu’il révèle à ses auditeurs de véritables mystères. « C’est la sagesse de Dieu même ; et, encore que saint Paul s’adresse aux parfaits, sapientiam loquimur inler perjectos, sa prédication la laisse dans le mystère, loquimur sapientiam Dei in mysterio. C’est la sagesse cachée : non seulement elle l’a été, comme le marque la Vulgate, quæ abscondita est, mais elle le sera toujours en raison de sa nature propre, suivant le texte original qui se sert du participa avec l’article, ttjv à7toxexpufi.[iiv7]v. Quelques interprètes ont considéré in mysterio, comme le régime de abscondita est ; ils traduisent : la sagesse cachée dans le mystère. Mais la plupart des exégètes font de ! /i mysterio et de quæ abscondita est, deux appositions indépendantes. Cf. Cornely, In I Cor., p. 60. Ils traduisent : Nous prêchons la sagesse de Dieu qui est dans le mystère, celle qui est cachée. Notre constitution a confirmé cette dernière lecture, en séparant in mysterio et quæ abscondita est par une virgule. C’est la sagesse que Dieu, de toute éternité, a destinée à faire notre gloire, quam prædeslinavit Deus ante sœcula in gloriam nostram. Ainsi s’explique qu’étant cachée et secrète de sa nature, elle nous soit néanmoins communiquée par Dieu, qui nous confie ses secrets, comme à des amis. C’est une résolution qu’il a prise de toute éternité, en décrétant notre appel à la gloire du ciel ; car c’est la vision intuitive de ces secrets de la foi qui fera notre bonheur éternel. C’est une sagesse qu’aucun prince de ce siècle n’a connue, et qui, par conséquent, est au-dessus des lumières naturelles de la raison, quam nemo principum hujus sseculi cognovil : ce que l’Apôtre démontre par l’ignorance de ceux qui ont crucifié le