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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/665

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MYSTIQUE, DESCRIPTION, S. JEAN DE LA CROIX


l’initiation. » M., t. ii, p. 6. Ce qui laisse entendre que normalement la contemplation ne s’instaure dans une vie que par cette sorte d’extase.

Les parfaits eux-mêmes seraient gratifiés d’une autre sorte d’oubli : « plus la mémoire s’unit à Dieu, plus les connaissances distinctes diminuent, et elles finissent par s’éteindre quand la perfection atteint l’état qui est la vie d’union. » Ibid. De là les « nombreuses distractions » des contemplatifs dont « la mémoire est absorbée en Dieu ». Mais, « une fois que l’union est devenue habituelle, … les oublis ne se produisent plus de cette manière, en matière de conduite morale et naturelle ». P. 7. En deux pages d’une saveur quiétiste assez marquée, saint Jean de la Croix montre que les âmes parfaites n’ont pas à se préoccuper de retenir ou de se rappeler quoi que ce soit qui leur a été dit ou demandé ; l’Esprit de Dieu « leur fait connaître ce qu’elles doivent savoir, leur laisse ignorer ce qu’il convient qu’elles ignorent, leur rappelle ce dont elles ont à se souvenir avec ou sans formes. » P. 7.

L’autre sorte d’extase est rangée parmi les phénomènes qui sont des « répercussions sur le sens » de la contemplation à ses débuts. « Comme la partie sensitive de l’âme est faible, impropre aux fortes émotions de l’esprit, il en résulte que ces avancés… éprouvent en elle de nombreuses faiblesses, des dommages, des dérangements d’estomac, et par là des fatigues d’esprit. Alors se produisent les ravissements, les extases, les secousses du corps qui disloquent les os, ce qui se produit toujours quand les communications ne sont pas purement spirituelles. Lorsque l’esprit seul les reçoit, comme c’est le cas chez les parfaits qui ont passé par la purification de la seconde Nuit, il n’est plus question de ravissements ni de tourments physiques. » A r., t. II, c. i, p. 56.

Saint Jean de la Croix n’a pas jugé opportun a de spécifier les caractères des diverses espèces de ravissements, d’extases, d’élévations et de vols de l’esprit qu’on observe chez les contemplatifs » ; il se contente de renvoyer pour « ces états spirituels » aux « pages admirables » qu’y a consacrées sainte Thérèse. C, str. xiii, p. 85. Mais il a noté avec insistance les « souffrances corporelles » que produisent ces « visites d’extase », souffrances qui « dépassent sans comparaison toutes les souffrances imaginables », et « la terreur qui vient à l’âme en se voyant traitée surnaturellement. » Ibid., p. 82-84. Cf. Baruzi, op. cit., p. 640-648, 657-660.

d) Durée, fréquence de ta contemplation. — Il semble bien que, pour saint Jean de la Croix, comme pour saint Augustin et Richard de Saint-Victor, la contemplation se produise d’une manière fulgurante. La louche divine « n’est ni continue ni rude, parce que la vie physique n’y résisterait pas ; elle ne fait qu’efileurer l’âme. » C, str. vii, p. 54. Cela est vrai surtout de ce que l’on a appelé le sommet de la contemplation : « parmi les plus hautes faveurs qu’une âme obtient ici-bas de Dieu, sous forme d’impression passagère, il y a surtout celle-ci : avoir une connaissance et un sentiment de Dieu si supérieurs, que l’une et l’autre présentent comme évidente l’impossibilité d’entendre et de sentir le tout divin. » Ibid., p. 56 ; cf. str. xiv, p. 96. Ailleurs saint Jean parle des « jeux de l’amour » divin, qui « se font par flammes de touches délicates qui atteignent par moments l’âme, en jaillissant du feu de l’amour qui n’est jamais au repos. F., 1° str. vers 2, p. 151.

3. Fffets produits par la contemplation, ou éléments de la contemplation. — Ils sont au nombre de trois que saint Jean de la Croix rapporte aux trois puissances de l’âme, intelligence, volonté, mémoire, et qu’il range en des ordres divers : « suavité spirituelle,

amour très pur, lumières intellectuelles d’une grande délicatesse. » N., t. I, c. xiii, p. 48-49.

Voici l’ordre inverse, avec le rapport aux puissances : « Vous me donnez une intelligence divine selon toute l’habileté et la capacité de mon entendement ; vous me communiquez l’amour selon la plus grande force de ma volonté ; vous me donnez des délices dans la substance de l’âme par le torrent de votre jouissance, par votre contact divin et votre union substantielle, selon la plus grande pureté de ma propre substance, selon la capacité et l’amplitude de ma mémoire. » F., 1° str., vers 4, p. 156. Dans le Cantique une simple énumération reproduit d’abord l’ordre de la Nuit, mais l’explication plus détaillée qui la suit reprend celui de la Flamme, en dédoublant l’effet que ce dernier texte rapportait à la fois à la substance de l’âme et à la mémoire. De cette manière nous obtenons quatre effets ou quatre éléments de la contemplation, dont le premier est « la communication qui pénètre la substance de délices ». C, str. xxvi, p. 163-165. Nous allons voir qu’il n’est autre que le sentiment de la présence de Dieu dans l’âme.

En ce qui concerne la causalité réciproque des lumières et de l’amour, la pensée de saint Jean de la Croix ne paraît pas constante ; cf. M., t. II, c. xxx, t. i, p. 208. Finalement, il admet qu’ils ne sont pas solidaires, ni proportionnés : « la volonté peut parfaitement aimer sans que l’entendement comprenne ; de même l’entendement peut comprendre sans que la volonté aime. » N., t. II, c.xii, p. 95. « Il est donc possible de comprendre peu de chose et d’aimer beaucoup, comme il est possible aussi d’avoir de vastes connaissances et d’aimer peu. » C, str. xxvi, p. 164.

a) Le sentiment de présence. — A tous ses degrés, la contemplation apporte à l’âme « un certain sentiment, une conjecture sur la présence de Dieu ». N., t. II, c. xi, p. 89. « Au milieu de ces peines obscures d’amour, l’âme sent une présence amie, une force intérieure qui l’accompagne et l’anime. » Ibid., p. 92. Il arrive souvent que certaines personnes ne savent rien dire de ce qu’elles ont éprouvé : « elles ne peuvent parler alors que de la paix, la satisfaction ou le contentement de leur âme, ou dire qu’elles ont éprouvé le contact divin, et qu’à leur avis cela leur fait du bien. » N., t. II, c. xvii, p. 114. La Vive flamme décrit abondamment cette « expérience » de Dieu : l’âme « sent la vie de Dieu », « l’esprit et le sens goûtent profondément Dieu », l re str., vers 2, p. 150 ; lire surtout le commentaire du vers 3 de la 2e str., O douce main ! O touche délicate ! p. 179-182. « Donc, ô touche délicate, Verbe Fils de Dieu, par la délicatesse de votre être divin vous pénétrez subtilement dans la substance de mon âme, vous la touchez tout entière très délicatement et l’absorbez en vous selon des modes divins. » P. 180. « Il s’agit d’une touche de substance, c’est-à-dire de la substance de Dieu dans la substance de l’âme, ce qui a été expérimenté sur terre par beaucoup de saints. » P. 182. « La délicatesse de la jouissance ressentie » est absolument ineffable. » La fi’licité qui déborde de l’âme se communique parfois au corps ; toute la substance sensitive y participe ainsi que tous les membres, les os, les moelles, non légèrement, ainsi que cela a lieu d’habitude, mais avec un vif sentiment de jouissance et de gloire, jusque dans les articulations extrêmes des pieds et des mains. » Ibid. Cette expérience de Dieu est qualifiée de vision : c cette présence affective a été alors" si puissante, que l’âme a senti la présence mystérieuse d’un être immense d’où émanaient, par grâce insigne, de vagues rayons de la beauté divine. Or l’effet de cette dis l’on sur l’âme

i clé si profonde qu’elle ne cesse d’être tourmentée

par ce souvenir, et qu’elle défaille par désir de voir à