Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/668

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2629
2630
MYSTIUUE, DESCRIPTION, S*e THÉRÈSE


presque toujours » la quiétude. IVe D., c. ni, p. 156162. Sainte Thérèse mentionne, en passant, les « longues discussions » qui eurent lieu « entre plusieurs personnes spirituelles » pour savoir si l’on pouvait de soi-même, artificiellement, « enchaîner le mouvement de la pensée », p. 159. Elle n’a pu se ranger à cet avis. Le recueillement surnaturel est une absorption de l’entendement qu’il ne faut attendre que de Dieu : « quand Sa Majesté veut que l’entendement cesse d’agir, Elle l’occupe d’une autre manière, et cela en lui communiquant une lumière si fort au-dessus de celle qu’il pourrait acquérir par ses efforts, qu’il reste profondément absorbé. Alors, sans savoir comment, il se trouve bien mieux instruit qu’il ne l’eût été avec toutes ses industries pour suspendre son activité. » P. 161. Sainte Thérèse, on le voit, est aux antipodes du quiétisme sous toutes ses formes ; contrairement même à saint Jean de la Croix, elle ne conçoit pas qu’il puisse exister une « méthode » pour entrer dans l’état mystique. Tant que le Seigneur n’envoie pas « une suspension », ne restons pas inactifs ; discourons ou contemplons t par une simple vue », selon nos capacités ; cf. VIe D., c. vii, p. 269-277.

2. L’oraison de quiétude, ou des « goûts divins ». C’est une faveur divine, qui concerne la volonté, et même les sens, plus que l’intelligence. « L’on dirait que tout notre intérieur se dilate et s’élargit. Ce sont alors des biens spirituels qui ne se peuvent dire, et l’âme même est incapable de comprendre ce qu’elle reçoit en cet instant. Elle respire comme une excellente odeur… La chaleur et une fumée odoriférante pénètrent l’âme tout entière : souvent même le corps y participe… A mon avis, les puissances ici ne sont pas unies à Dieu, mais seulement comme enivrées, et elles se demandent avec étonnement ce que ce peut bien être. » IVe D., c. ii, p. 152-153. t L’entendement s’arrête, ou plutôt se trouve arrêté, parce qu’il comprend qu’il ne sait pas lui-même ce qu’il veut… Quant à la volonté, elle est fixée en son Dieu. » c. iii, p. 162. « Quand Dieu est vraiment l’auteur de ce qui se passe dans l’âme, il y a, il est vrai, défaillance intérieure et extérieure, mais l’âme reste forte, et elle goûte une joie très vive de se voir si près de Dieu. En outre, cet effet, loin de se prolonger, ne dure que très peu de temps ; à vrai dire, l’âme rentre ensuite dans la jouissance. Cette oraison, quand il n’y a point par ailleurs faiblesse corporelle, ne va pas jusqu’à abattre le corps, ni à causer de souffrance extérieure. » P. 166. Cette « défaillance » ne fait pas « perdre le sentiment ». Cf. V* D., c. i, p. 170. H Le doute est possible sur l’origine de cet état mystique, V°D., c. i, p. 171, parce qu’ici » le naturel y est joint au surnaturel ». IV D., c. iii, p. 176. « Le démon peut chercher, par le moyen de ses illusions, à contrefaire les grâces de cette nature. Vous le reconnaîtrez en ce que, bien loin de produire les effets que j’ai indiqués (p. 163), ce qui vient de lui en produira de diamétralement opposés. » Ibid., p. 165. Voici énoncé pour la première fois le critérium des effets ; sainte Thérèse y recourt constamment ; à vrai dire, pour elle, avec l’impuissance où nous sommes de nous procurer ces états, c’est lui, en dernier ressort, qui les juge souverainement : « c’est aux effets et aux œuvres produites que l’on reconnaît les véritables grâces d’oraison : il n’y a pas de meilleur creuset pour s’éprouver soi-même. » IVe D., c. ii, p. 153. La contrefaçon naturelle de la quiétude se remarquera à la longueur de la « défaillance », c. ni, p. 165-167.

3. L’union.

« Pendant la courte durée de l’union (cette union ne va jamais jusqu’à une demi-heure, Ve D., c. ii, p. 182), on est comme privé de sentiment : quand on le voudrait, on se trouve hors d’état de penser… Et si l’on aime, on ne sait pas comment on aime, ni ce qu’on aime, ni ce qu’on désire… C’est là

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

une mort délicieuse… Si l’on respire, on ne s’en aperçoit pas. L’entendement voudrait s’appliquer tout entier à comprendre quelque peu ce que l’âme éprouve ; mais s’en trouvant incapable, il demeure tout interdit. » Ve D., c. i, p. 170-171. Il n’y a donc pas ici, à proprement parler, inconscience : il y a jouissance, mais jouissance dont on ne peut rien dire : « Jusqu’ici qusqu’au mariage spirituel), quand le Seigneur unissait l’âme à lui, c’était en la rendant aveugle et muette. Il lui ôlail ainsi le moyen de savoir quelle était la faveur dont elle jouissait et comment elle en jouissait. Les immenses délices dont l’âme se sentait alors inondée venaient de ce qu’elle se voyait près de son Dieu ; mais au moment même où elle se trouvait unie à lui, elle n’avait plus aucune connaissance, les puissances étaient entièrement perdues. » VIIe D., c. i, p. 317.

Que, dans cet état, on soit « uni » à Dieu, on ne le sait pas, mais on en est convaincu : « Dieu s’établit alors de telle sorte au plus intime de cette âme, qu’en revenant à elle, il lui est impossible de douter qu’elle n’ait été en Dieu et que Dieu n’ait été en elle… Vous me direz : Comment a-t-elle vu et entendu qu’elle a été en Dieu, puisqu’en cet état elle ne voit ni n’entend ? Je ne dis pas qu’elle l’a vu alors, mais qu’elle le voit clairement ensuite, et cela, non au moyen d’une vision, mais par une conviction qui lui reste et que Dieu seul peut donner… Mais comment ce que nous n’avons pas vu peut-il nous donner pareille certitude ? Je l’ignore, c’est l’œuvre de Dieu. Tout ce que je sais, c’est que je dis vrai. » Ve D., c. i, p. 174-175. N’en demandons pas davantage. « Dans cette oraison l’on ne voit rien », VIe D., c. i, p. 206 ; pourtant sainte Thérèse affirme que c’est une « entrevue » qui précède les « divines fiançailles » : « l’âme voit seulement d’une manière mystérieuse qui est Celui qu’elle va prendre pour époux. La connaissance qu’elle reçoit ainsi en un court espace de temps, elle ne pourrait l’acquérir en mille ans par le moyen des sens et des puissances. » V D., c. iv° p. 200.

Mais le doute ne tarde pas à venir : pour l’exorciser, notre mystique recourra à son critère favori, les effets. Ils sont merveilleux : c’est particulièrement le désir de mourir pour posséder Dieu, et « la douleur profonde qu’elle éprouve en voyant combien Dieu est offensé et méprisé dans le monde » ; V D., c. ii, p. 184 ; cette dernière disposition est vraiment le « sceau » de Dieu. P. 186.

Quoique n’étant pas philosophe, ni théologienne, sainte Thérèse s’est rendue compte que ce terme d’ « union » peut s’entendre de bien des manières, comme celui de « présence ». « La véritable union », « la grâce de l’union », « l’état d’union », c’est tout autre chose que « l’oraison d’union » ; celle-ci n’est qu’un moyen non indispensable, un « sentier de traverse » pour parvenir à l’autre, qui n’a plus rien de mystique, et qui ne consiste qu’en la parfaite conformité de notre volonté à la volonté divine. « C’est là l’union que j’ai désirée toute ma vie, celle que je ne cesse de demander à Notre-Seigneur. C’est aussi et la plus facile à connaître et la plus sûre. » Ve D., ciii, p. 192. « Pour l’atteindre, il n’est pas nécessaire que le Seigneur nous accorde de grandes délices spirituelles : il suffit du don qu’il nous a fait de son Fils pour nous enseigner le chemin. » P. 193. Cf. Relation LXV, t. i des Œuvres complètes, p. 590. Et voilà tranché souverainement le problème tant discuté de la nécessité des grâces mystiques pour la perfection.

4. Les « peines » mystiques. — Sainte Thérèse est convaincue que Dieu envoie aux âmes déjà favorisées de l’oraison d’union, et pour leur faire mériter en quelque sorte les grâces mystiques ultérieures, toutes sortes de peines extérieures et intérieures ; cf. VIe D., c. i. Peines extérieures : les critiques ou même les

X. — 83