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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/670

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MYSTIQUE, DESCRIPTION, S* THÉRÈSE

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quelquefois de ces secrets [ n’y a-t-il pas une contradiction avec ce qui précède ?), ce ne sont pas des ravissements, mais plutôt une défaillance physique… » P. 242. Sainte Thérèse a discerné les « ravissements véritables… de ces faiblesses de femmes, que l’on voit maintenant se produire, et qui si facilement nous font crier au ravissement et à l’extase. » P. 237. « Elle a toujours eu en horreur les rêveries de femmes. » Relation LUI, p. 566. « L’extase finie, la volonté peut demeurer quelque temps comme enivrée, et l’entendement si hors de lui, que pendant des jours et des jours il semble hors d’état de s’occuper d’autre chose que des objets propres à enflammer la volonté. » P. 245.

Fréquence : « l’amour l’a rendue, cette âme, d’une sensibilité telle qu’à la moindre chose qui vient enflammer son feu, la voilà qui prend son vol. Aussi les ravissements sont-ils continuels dans cette Demeure, sans qu’on puisse les éviter même en public. » VI 8 D., c. vi, p. 256-257. En public cependant, le chagrin et l’inquiétude qu’éprouvent ces âmes « en se demandant ce que pourront penser ceux qui les ont vues en cet état, les tirent en quelque sorte de leur transport. » G. 4, p. 246. Mais, dans les septièmes Demeures, « l’âme n’a plus de ravissements, ou, si elle en a, ce qui est très rare, ce ne sont plus de ces enlèvements et de ces vols d’esprit, comme ceux dont j’ai parlé. En oulre cela ne lui arrive presque jamais en public, chose qui lui était fort ordinaire. » VIIe D., c. iii, p. 337. « Elle perd cette grande faiblesse qui lui était si pénible, et dont rien n’avait pu la délivrer. » P. 338.

8. Le « vol de l’esprit ». — « Parfois, l’âme se sent emportée par un mouvement si soudain, et l’esprit semble enlevé avec une telle vélocité, qu’on éprouve, dans les commencements surtout, un véritable effroi… Croyez-vous donc qu’une personne en pleine possession d’elle-même n’éprouve qu’un léger trouble lorsqu’elle sent ainsi enlever son âme — et quelquefois son corps, comme nous le lisons de quelques personnes — sans savoir où elle va, ni qui l’enlève, ni ceque cela veut dire ? » VIe D., c. v, p. 248-249. Impossible de résister. « Durant quelques instants, elle est incapable de dire si son âme habite ou n’habite pas son corps. Elle se croit transportée tout entière dans une autre région, fort différente de celle où nous vivons ; elle y voit une lumière nouvelle et bien d’autres choses, si dissemblables de celles d’ici-bas, qu’elle n’eût jamais réussi à se les figurer… Parfois, elle se trouve instruite en un instant de tant de choses à la fois… » P. 252. Ici sainte Thérèse indique quelques-unes des choses que l’on voit alors, soit par « vision imaginaire », soit par « vision intellectuelle » : ce sont des saints, ou « une multitude d’anges qui accompagnent leur Seigneur », « beaucoup d’autres (choses) qu’il ne convient pas de rapporter ».

L’influence de saint Paul paraît visible dans cette description. Celle de saint Augustin se montre dans l’interprétation, dans l’explication que risque la sainte : « l’âme… ne pourrait-elle, sans quitter le lieu qu’elle occupe… s’élever au-dessus d’elle-même par quelque partie supérieure de son être ? » P. 253. Thérèse imagine donc que « l’esprit », le voOç, qu’elle distingue de l’âme, mais sans l’en séparer, comme le rayon se distingue du soleil, s’élève littéralement jusqu’au ciel, le Seigneur, lui semble-t-il, voulant « montrer à cette âme quelque chose du pays qu’elle doit habiter un jour ». P. 254. « Ce qu’elle a vu (làhaut ) demeure tellement gravé dans sa mémoire, qu’à mon sens, il lui sera impossible d’en perdre le souvenir jusqu’au jour où elle en aura la possession pour jamais. » P. 255. Les effets de ce vol de l’esprit sont si admirables qu’il n’y a pas à redouter une supercherie du démon. P. 254.

9. Les’Hransporls, VI » D., c. vi, p. 262-264. — C’est

ce que sainte Thérèse appelle ailleurs le « sommeil des puissances », cf. Vie, c. xvi, p. 155-158. « Notre-Seigneur accorde quelquefois à l’âme certaines jubilations et une sorte d’oraison étrange, dont je ne m’explique pas la nature. A mon sens, c’est une union très étroite des puissances avec Dieu… Mais de quoi jouissent-elles, et comment en jouissent-elles ? C’est ce qu’elles ignorent… L’âme éprouve une joie si excessive, qu’elle voudrait n’être pas seule à la ressentir, mais la publier partout… » P. 262. « Cela dure parfois une journée entière… Cette jubilation plonge l’âme dans un tel oubli d’elle-même et de toutes choses, qu’elle est incapable de penser ni de parler, si ce n’est pour donner à Dieu des louanges. » P. 264. Enfin elle est contagieuse : « il suffit que l’une ( des sœurs) commence (à faire éclater sa jubilation intérieure ) pour que les autres la suivent. » Ibid. Evidemment cela « ne peut nullement venir du démon ». P. 263.

10. Le sentiment de présence. — « C’est ce qu’on appelle vision intellectuelle, je ne sais pourquoi. Alors qu’on ne songe nullement à recevoir semblable grâce, … on sent auprès de soi Jésus-Christ Notre-Seigneur, sans pourtant le voir ni des yeux du corps ni * des yeux de l’âme. » VIe D., c. viii, p. 279. « Elle sentait qu’il se tenait à son côté droit, non par une de ces marques sensibles qui nous font connaître qu’une personne est près de vous, mais d’une autre manière bien plus délicate et qu’on ne peut expliquer. Néanmoins, la certitude est la même, ou plutôt, de beaucoup supérieure. » P. 280. « Quelquefois la présence est d’un saint, et l’on en retire également un grand fruit. Vous me direz : Mais si l’on ne voit rien, comment sait-on que c’est Jésus-Christ, ou sa glorieuse mère, ou un saint ? C’est ce que l’âme est incapable d’expliquer ; elle ne sait pas comment elle le sait, et cependant elle en a une certitude absolue.. P. 282. « Ces sortes

de visions, au lieu de passer promptement comme les visions imaginaires, durent longtemps et parfois plus d’un an. » P. 279. Les effets produits par cette présence permanente « ne permettent pas de l’attribuer à la mélancolie », p. 280, ni au démon ; surtout quand des « paroles » viennent rassurer l’âme inquiète.

11. Vision imaginaire de Noire-Seigneur. — « Notre-Seigneur veut-il favoriser tout particulièrement une âme, il lui découvre clairement sa sainte Humanité sous la forme qu’il juge à propos… Quoique la vision ait la rapidité de l’éclair, cette glorieuse image demeure tellement empreinte dans l’imagination, qu’à mon avis elle ne pourra s’en effacer… Cette image ne fait nullement l’effet d’un tableau. A celui qui la voit, elle paraît véritablement vivante. Quelquefois, elle parle à l’âme et lui découvre même de grands secrets. » VIe D., c. ix, p. 288. L’image apparaît dans une « lumière » ; le vêtement de Notre-Seigneur « ressemble à de la batiste », p. 289 ; son visage est « doux » et « beau », p. 294. L’apparition survient à l’improviste, « bouleversant les puissances et les sens, les remplissant de frayeur et de trouble, pour les faire jouir aussitôt après d’une paix délicieuse ». P. 291. Les illusions ici sont possibles : si l’apparition dure longtemps, « je ne crois pas que ce soit une vision ; c’est plutôt une représentation produite par un grand effort d’imagination, et la figure sera comme morte, en comparaison de celle dont je parle », p. 290-291 ; quant au démon, « il pourra bien offrir certaines représentations, mais ce ne sera jamais avec cette vérité, cette majesté, ces admirables effets ». P. 292. « On doit se tenir sur la réserve, attendre que le temps permette de juger de ces apparitions par leurs fruits. » Ibid. Mais, « quand bien même ces visions ne seraient pas de Dieu, pourvu que vous ayez de l’humilité et une bonne conscience, elles ne vous nuiront pas. Sa Majesté sait tirer le bien.