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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/676

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MYSTIQUE, DIVERSITÉ DES PHÉNOMÈNES

C46

nous déclarent à l’envi que Dieu éclaire leur intelligence de si vives lumières sur les vérités de la foi, même sur les plus profonds mystères, en particulier sur le mystère de la Sainte Trinité, qu’il semblerait que pour eux la foi a fait place à la vue. Tune agnoscemus quam vera nobis credenda imperala sint, quamque oplime ac saluberrime apud matrem Ecclesiam nutrili fuerimus. Saint Augustin, De quantitate animée, c.xxxiv, P. L., t. xxxii, col. 1077. Sur cette « connaissance mystique », qu’il distingue de 1’ « expérience mystique », cf. Bremond, op. cit., p. 592-595 ; Joret, La contemplation mystique, c. v, A l’école du maître intérieur.

Les paroles intérieures.

« On distingue avec

raison l’oraison mystique (c’est-à-dire 1’ « expérience mystique » ) des faits merveilleux tels que les visions ou les paroles intérieures. Je dois dire cependant que, des mystiques que j’ai rencontrés, la plupart avaient été favorisés soit de visions, soit de paroles intérieures, soit des unes et des autres. Je crois pouvoir dire aussi que l’affinité est plus intime entre l’oraison mystique et les paroles intérieures qu’entre la même oraison et les visions, Ainsi, d’abord, je ne pense pas avoir rencontré un seul cas de parole intérieure qui n’ait été le prodrome ou l’accompagnement d’une oraison mystique… Un autre fait qui m’incline à voir une affinité particulière entre les paroles intérieures et l’oraison mystique, c’est que les états mystiques supérieurs ressemblent parfois singulièrement à de véritables paroles… A entendre certaines confidences, on se demande si les états mystiques supérieurs ne seraient pas une sorte de parole intérieure diffuse et continue. » P. S., Revue d’ascétique et de mystique, 1921, p. 402. Une variété des paroles intérieures, dont sainte Thérèse ne les distingue pas, constitue les révélations ou prophéties.

Les visions intérieures.

 Nous avons fait remarquer,

à propos d’une vision de la Sainte Trinité que sainte Thérèse qualifie d’intellectuelle, qu’il semble bien qu’il s’agisse d’une vision « imaginaire ». Ne parlons donc plus devisions intellectuelles, ou donnons leur un autre nom. Cf. Farges, op. cit., t. ii, p. 26-34. Nous ne sommes pas obligés de maintenir toujours la terminologie des mystiques.

7° La « passion » de l’amour divin. — C’est un des phénomènes mystiques les plus constants, si bien que beaucoup de théoriciens de la mystique y veulent reconnaître « l’élément caractéristique » de l’état mystique, en particulier le P. de la Taille, cf. Revue des sciences phil. et théol., 1922, p. 713. Il se rencontre particulièrement, mais non exclusivement, chez les femmes, cf. supra, Hadewijch, sainte Thérèse ; et l’en sait qu’il a fait naître le problème de l’érotisme des mystiques, cf. M. de Montmorand, Psychologie des mystiques, c. iii, Êrotisme et mysticisme ; G. Etchegoyen, L’amour divin, p. 307-315 ; Maréchal, Revue d’ascétique et de mystique, 1926, p. 82-85.

8° Les goûts, délices, jouissances, consolations, quand ils apparaissent nettement comme « surnaturels ». On pourrait, à la rigueur, les considérer comme une des multiples formes de 1’ « expérience mystique ». Saint Thomas estime que ces « goûts spirituels » constituent une certaine expérience de la présence de Dieu en nous. Summa theol., I a -II a, q. cxii, a. 5 : cf. Gardeil, La structure de l’âme et l’expérience mystique, t. ii, p. 187-190.

9° L’union transformante, l’identification de l’homme avec Dieu, V « état théopathique. » — Quoi qu’on en pense, il faut bien reconnaître que les mystiques, même orthodoxes, ont professé que le sommet de l’état mystique consiste dans une certaine identification de l’homme avec Dieu.

Nous avons entendu sainte Thérèse nous dire « que l’âme, ou plutôt l’esprit de l’âme, devient, selon qu’on en peut juger, une même chose avec Dieu ». Château, VIIe D., c. ii, p. 324. Elle n’est que l’écho d’une longue tradition. Pour ne rien dire d’Eckhart, voir en Denzinger-Bannwart les n. 510-513, 520-522, cf. G. Théry, Contribution à l’histoire du procès d’Eckhart, dans la Vie spirituelle, janv. et mars 1924, mai 1925, janv. 1926 (à suivre) ; qu’on lise Ruusbroec ; « Quand nous avons une vie contemplative… moyennant l’information transformante de Dieu, nous nous sentons engloutis dans un abîme sans fond de notre béatitude éternelle, où nous ne pouvons trouver de distinction entre Dieu et nous. Car c’est là notre perception suprême, que nous ne pouvons posséder qu’en écoulement d’amour », cité par Revue d’ascétique et de mystique, 1922, p. 264. « Tous les hommes qui sont élevés au-dessus de leur être créé dans une vie contemplative, sont un avec celle Clarté [le Verbe ] et ils sont celle Clarté même. Et ils se voient et se sentent et se trouvent eux-mêmes… être, selon leur essence non créée, ce même fond simple [l’essence divine] d’où la Clarté sans mesure luit selon le mode divin, et où elle reste éternellement sans mode selon la simplicité de l’essence. » Ibid., p. 258.

La métaphysique intervient évidemment dans la traduction de l’expérience et dans son interprétation ; il reste cependant que Ruusbroec se réfère à l’expérience : il parle d’une « perception suprême », d’un sentiment de notre identification avec Dieu. Cf. Waffelært, L’union de l’âme aimante avec Dieu… d’après la doctrine du bienh. Ruusbrouck. Voici W. Hilton : « à ce moment, du moins, son âme devient une seule chose avec Dieu, elle est transformée à l’image de la Trinité », cité Revue d’ascét. et de myst., 1924, p. 180. Enfin Hadewijch, nourrie de néo-platonisme, cf. ibid., p. 288, distingue trois degrés dans la vie d’amour : « le premier, c’est de servir l’Amour dans la pratique des vertus ; le second, c’est de sentir l’Amour au-dessus du tumulte des actes et des vertus, dans une concentration amoureuse de l’âme ; le troisième, c’est d’être Amour, ce qui dépasse tout », p. 287. Voir ci-dessus col. 2612.

10° Les épreuves mystiques ou les « purifications passives ». — Elles constituent ce qu’on peut appeler l’état mystique négatif. Elles donnent « le sentiment de l’absence de Dieu ». Théodore de Saint-Joseph, Essai sur l’oraison selon l’école carmélitaine, p. 97.

Les théoriciens qui caractérisent « l’état mystique » par le sentiment de la présence de Dieu et qui veulent cependant maintenir les « Nuits » de saint Jean de la Croix parmi les états mystiques, font observer que ce saint « nous dit lui-même que les âmes, dans la Nuit de l’esprit, sentent Dieu en elles-mêmes (Nuit, 1. II. c. xvii). Et, de fait, le vide que creuse dans l’âme cet état d’aridité et d’obscurité, est, si l’on peut dire, un vide attirant… Dieu est là et, sans se faire voir, il étreint l’âme et se l’unit plus étroitement que dans nombre de faveurs plus claires. » Rev. d’ascét. et de myst., 1923, p. 168. — Pour que ces « épreuves » puissent être retenues comme états mystiques, « ayant Dieu pour auteur », il faudra évidemment qu’elles ne puissent pas être attribuées à la mélancolie, à un abaissement du tonus vital. Cf. W. James, L’expérience religieuse, c. v, Les âmes douloureuses ; G. Truc, La grâce, c. iii, Les étals mystiques négatifs ; M. de Montmorand, op. cit., p. 32-47.

11° Les phénomènes mystiques corporels : extase ou ravissement, lévitation, stigmates, etc. Nous entendons ici par extase non un état mystique déterminé, ni a fortiori l’état mystique par excellence, mais certains phénomènes corporels qui affectent parfois les personnes favorisées de grâces mystiques. Cf. Farges, op. cit., t. ii, p. 162-178.