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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/82

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MESSIANISME, LES PSAUMES PRÉEXILIENS


roi et la reine signifie l’union ou bien entre Jahvé et son peuple, ou bien entre le Messie et ses élus. Parce que dans l’Épître aux Hébreux, i, 8, le verset « Ton trône, ô Dieu, subsistera toujours » est appliqué au Christ, la tradition chrétienne a préféré l’explication messianique.

Celle-ci admise, la question se pose de savoir si le psalmiste, en composant son épithalame, a d’abord visé le vrai mariage d’un roi qu’il a pris ensuite pour un type de la relation du Messie avec son peuple, ou s’il a voulu, dès le commencement, glorifier uniquement le roi par excellence. Dans le premier cas, le psaume ne serait qu’indirectemnt messianique. Cette explication, donnée par de Muis, Jansénius de Gand, Bossuet, Calmet, plus ou moins aussi par Lagrange et Wutz, est tout à fait admissible. Elle n’est pas exclue par l’apostrophe : « Ton trône, ô Dieu, subsistera toujours » ; car le mot Dieu ne signifie pas nécessairement l’être suprême au sens métaphysique, mais de même que dans le psaume txxxi, 6, il sert à désigner les juges, il peut être ici employé à l’adresse du roi pour l’exalter par ce titre. Cependant l’interprétation directement messianique nous semble préférable. Elle n’est contredite ni par le fait que la reine est présentée comme venant de l’étranger, ni par la mention des fils du roi, comme le prétendent Lagrange, Bæthgen, Kittel ; car l’exégèse métaphorique n’a pas besoin de tenir compte de tous les détails du sens littéral, elle ne doit même pas le faire ; autrement elle se heurterait à des inconvénients propres à la rendre ridicule. En d’autres termes, elle ne doit pas consister en une interprétation allégorique des détails, mais en une interprétation parabolique de l’ensemble pour en faire ressortir l’idée dominante, qui n’est autre que la relation intime entre le Messie et l’humanité. Ce psaume, que beaucoup de commentateurs ont appliqué au mariage de Salomon avec la fille du roi d’Egypte, est sans doute préexilien comme l’affirment Stærk, Kittel, Gunkel. Cependant Bæthgen, Bertholet, Duhm préfèrent ici encore l’attribuer au temps des Machabées.

(Pour le psaume xxi voir plus loin.) D’après plusieurs exégètes il faudrait encore joindre à ces psaumes royaux qui glorifient le Messie le psaume cxxxi, Mémento Domine David. Il se compose d’une prière adressée à Jahvé pour qu’il réalise les promesses faites à David et un oracle par lequel Dieu rassure son peuple, en réitérant ses engagements pour l’avenir d’Israël. Le Tout-Puissant a choisi Sion comme demeure pour l’éternité. « Là, dit-il, je ferai germer une corne à David et je préparerai une lampe à mon oint, » 17.

Lagrange, Pannier, Stærk, Bæthgen prennent, selon l’exemple des Targums, « corne » et « lampe » pour des désignations symboliques du Messie, et voient dès lors dans ce verset une prophétie sur ce roi eschatologique qui sortira un jour de la famille de David. Bertholet se montre très favorable à cette conception. Knabenbauer, Hoberg, Zenner, d’Eyragues, Pérennès, Duhm, Kittel, Gunkel entendent par contre avec beaucoup plus de raison « corne » comme synonyme de force, et « lampe » comme synonyme de bonheur ou de durée de la dynastie. Ces termes en effet ont souvent ce sens, par exemple ps. xviii, 3 ; Ez., xxix, 21 ; Eccli., li, 8 ; Dan., vii, 8 ; viii, 5 ; III Beg., xi, 36 ; xv, 4 ; II Beg., xxi, 17 ; Prov., an, 9 ; Job, xviii, 5 ; le fait que « Germe » est dans Jérémie, xxiii, 5 et Zacharie, iii, 8 ; vi, 12, un nom pour le Messie ne peut nullement suffire pour donner à la phrase « faire germer une corne à David » la signification de « faire sortir de la maison de David le Messie ». Ce psaume n’est donc pas plus messianique que la promesse contenue dans II Beg., vu.

Plus discutée encore que le sens de ce psaume est sa date. Pour d’Eyragues, Lagrange, Stærk.’Bæthgen, Duhm, Bertholet, il est postexilien, pour Knabenbauer, Zenner, Hoberg, Pérennès, Kittel, Gunkel, il est préexilien. Comme le contenu est tout à fait général et qu’il ne fait nulle part supposer que la promesse faite à David au sujet de sa dynastie n’est pas réalisée au moment où il fut composé, mieux vaut le placer avant l’exil.

Très proche parent de ce cantique est le psaume lxxxviii. Son auteur mentionne également les promesses faites à David et les amplifie même beaucoup, 2-5, 20-38 (6-19 n’est pas une partie primitive du psaume), mais il constate avec amertume la différence qu’il y a entre ces promesses, et la situation actuelle de la famille royale et du peuple, 39-46. II supplie Jahvé d’avoir de nouveau pitié d’Israël, 47-52. Le messianisme du psaume lxxxviii est donc absolument le même que celui de cxxxi. Il y a par contre une grande différence entre eux par rapport à la date. La plupart des exégètes attribuent très justement le psaume lxxxviii à l’époque exilienne ou postexilienne. L’hymne interpolé 6-19 est avec raison regardé par Gunkel comme préexilien. Sans le moindre droit Bæthgen trouve dans le ꝟ. 19 : » A Jahvé appartient notre bouclier et au Saint d’Israël notre roi » une allusion au Messie personnel.

2° Les prétendus psaumes eschatologiques ou psaumes d’intronisation de Jahvé. — Ceux des exégètes modernes qui contestent le plus que certains psaumes soient des prophéties strictement messianiques, font, à cet égard, d’autant plus de cas de plusieurs autres. Les psalmistes qui n’auraient pas décrit l’œuvre et la personne du Messie, auraient par contre mainte fois relevé la grande intervention par laquelle Jahvé lui-même inaugurerait l’ère messianique. Ils ne se seraient pas contentés d’y faire quelques allusions. Plus d’un parmi eux se serait transporté en esprit à la fin des temps et aurait, en des psaumes entiers, chanté la gloire de Dieu qui s’y révélera ainsi que le bonheur des hommes qui doit en résulter.

Le premier qui ait systématiquement exposé cette opinion est Gunkel. Voir Die isrælitische Literatur, dans Hinneberg’s Kultur der Gegenwart, I, vii, . puis l’article Psalmen, dans Die Religion in Geschichte und Gegenwart, t. iii, 1910 ; Ausgewâhlte Psalmen l re -4e édit. ; Reden und Aufsâtze, p. 123 sq. ; Die Psalmen ùbersetzt und erklârt, 1926. Il s’appuie en partie sur Stade et il a été suivi surtout par Stærk et Kittel. Ces auteurs entendent comme eschatologiques, pas toujours cependant d’une façon unanime, les psaumes suivants : xlv, xlvi, xlvii, lxxiv, lxxv, xcii, xcviii. Pour les caractériser comme un groupe à part, ils leur donnent un nom spécial, à savoir psaumes d’intronisation ou d’avènement de Jahvé. Ils les nomment ainsi parce que leur contenu roulerait autour de l’établissement définitif du royaume de Dieu sur la terre.

Cette théorie a pris après coup chez Mowinckel, Psalmenstudien, n : Das Thronbesteigungsfest Jahwæs und der Ursprung der Eschatologie, Christiania, 1922, une forme très curieuse. D’une part cet auteur nie le caractère eschatologique de ces cantiques, et il les prend, en leur assimilant un grand nombre d’autres psaumes, pour des chants liturgiques qu’on aurait composés pour une prétendue fête d’intronisation de Jahvé. La célébration en aurait consisté en des rites et des hymnes par lesquels on exprimait que Jahvé prend de nouveau, pour l’an qui s’ouvre, possession de l’empire d’Israël et du monde. Les psaumes d’intronisation auraient donc été primitivement des poésies liturgiques. D’autre part Mowinckel prétend que la fête de l’intronisation de Jahvé serait deve-