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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/92

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1477 MESSIANISME, LE TEMPS DE L’EXIL : LE LIVRE DES CONSOLATIONS 1478

parmi les plus vigoureuses et les plus magnifiques descriptions du jour de Jahvé en tant qu’il signifie le jugement des peuples et le salut d’Israël.

Le premier correspond tout à fait aux aspirations des exilés qui voudraient voir Babylone détruite et son roi détrôné afin de pouvoir rentrer dans leur patrie. Le prophète s’est fait leur interprète. Encore une fois la chute de la capitale païenne et le retour d’Israël ne sont pas pour lui de simples événements historiques, mais la manifestation définitive de Jahvé.

Au premier plan se trouve la destruction de Babylone par les Mèdes, xiii, 17. On voit l’armée ennemie arriver d’un pays lointain, xiii, 5 ; on entend le bruit qu’elle fait sur les montagnes, xiii, 4. Avant l’attaque Jahvé la passe en revue, xiii, 4. Elle va rendre « Babylone, la perle des royaumes, l’orgueilleuse parure des Chaldéens semblable à Sodome et à Gomorrhe », xiii, 19-22 ; xiv, 22-23.

Mais l’effondrement de Babylone n’est pour le prophète qu’un épisode du jugement universel du monde. « Le jour de Jahvé est proche ; il vient comme une tempête de la part du Tout-Puissant », xiii, 6. La terre sera changée en désert et les pécheurs en seront exterminés, xiii, 9, 11. Les orgueilleux surtout seront abaissés et punis, xiii, 11. Par suite de la terreur qui régnera partout, « tous les bras deviendront lâches et tous les cœurs seront glacés », xiii, 7. Les hommes erreront comme des gazelles effarouchées et comme des brebis égarées, xiii, 14. Ils seront tués en si grand nombre qu’ils deviendront plus rares que l’or fin, xiii, 12, 15-16. En même temps « les astres du ciel et les Orions ne donneront plus leur lumière ; le soleil s’obscurcira à son lever et la lune ne fera plus briller sa lumière, » xiii, 10. Les cieux seront ébranlés et la terre tremblera, par la colère de Jahvé des armées, au jour de son ardente colère, xiii, 13.

Le but de ce bouleversement du monde et de ce châtiment des peuples est le salut d’Israël. Jahvé aura de nouveau pitié de lui et le rétablira dans sa terre, xiv, 1. Alors « les étrangers se joindront à lui et s’attacheront à la maison de Jacob », xiv, 2. Beaucoup de païens donc, frappés d’étonnement à la vue du rétablissement miraculeux de ce peuple, se convertiront et seront admis à sa communauté religieuse. En retour de l’oppression qu’ils ont fait peser sur les Israélites, ils les ramèneront en Palestine et y seront leurs serviteurs et leurs servantes, xiv, 2.

Plus encore que le premier morceau, xiii, l-xiv, 23, le second xxxiv-xxxv, rappelle les chapitres xl-lv. (xxxv, 4 contient des expressions qui sont sans doute empruntées à xl, 9-10. L’auteur de xxxiv-xxxv semble souvent, pour l’intelligence de son exposé, supposer la connaissance de xl-lv, de sorte qu’il se contente parfois d’allusions. Sous ce rapport la comparaison entre xxxv, 6 b, 7, et xli, 8 ; xliii, 19-20 ; xlviii, 21 ; xxxv, 9 et li, 10 ; xxxv, 8 et xl, 3-4 ; xliii, 19, est instructive. Voir Feldmann, t. ii, p. 410.)

Comme les chapitres xiii et xiv sont un poème sur la chute de Babylone, ainsi les chapitres xxxiv et xxxv sont un poème sur la destruction d’Édom qui, en 586, a aidé Babylone d’une façon si ignominieuse. Tout le chapitre xxxiv est consacré à la description de la dévastation du pays et à l’extermination de la nation édomite. Dans sa haine contre eux, le prophète ne peut trouver assez de mots et de comparaisons pour exprimer que c’en sera fait d’eux pour toujours. Le glaive de Jahvé qui descendra sur Édom pour y faire une grande tuerie, ruissellera de sang, xxxiv, 5-6. Le sol du pays deviendra du soufre, xxxiv, 9. Les ronces, les orties et les chardons pousseront dans ses palais et forteresses, xxxiv, 13. Les bêtes sauvages et les démons remplaceront les anciens habitants, xxxiv, 13.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Cette punition d’Édom n’est, comme tout à l’heure celle de Babylone, qu’un trait particulier du grand jugement des nations. Le prophète l’indique dès le commencement. Il invite tous les peuples et toute la terre à entendre ce qu’il va publier, « car Jahvé est indigné contre toutes les nations… il les livrera à la « tuerie », xxxiv, 1-2. Les montagnes ruisselleront de leur sang, xxxiv, 3. « Les cieux seront roulés comme un livre et toute leur armée tombera comme tombent les feuilles de la vigne et du figuier, » xxxiv, 4.

En opposition avec ce sombre tableau du cataclysme du monde et de la ruine d’Édom, le prophète décrit tout à coup et sans transition la venue de Jahvé pour délivrer et glorifier son peuple. Avec des couleurs splendides, il dépeint surtout le retour de l’exil à travers le désert. Celui-ci sera transformé en paradis. Il fleurira et recevra la brillante parure du Liban, du Carmel et de Saron, xxxv, 1-2. Son sol aride se changera en fontaine, xxxv, 7. II y aura une route qui sera aussi sainte que sûre, car aucun impur n’y passera et aucune bête féroce ne s’y montrera, xxxv, 8-9. Toute cette transformation aura lieu, parce que la gloire de Jahvé s’y révélera, xxxv, 2. Il viendra personnellement pour sauver et ramener son peuple, xxxv, 4.

C’est pourquoi les exilés doivent se réconforter et se réjouir, xxxv, 3-4. Quand Jahvé arrivera, « les yeux des aveugles et les oreilles des sourds s’ouvriront, le boiteux bondira comme un cerf et la langue du muet éclatera de joie », xxxv, 5-6. Durant le voyage à travers le désert, « les simples mêmes ne s’égareront pas », xxxv, 8. Eux les rachetés de Jahvé arriveront tous à Sion ; « ils y entreront avec des cris de triomphe ». « Une joie éternelle couronnera leur tête ; la joie et l’allégresse seront leur part ; la douleur et le gémissement s’enfuiront, » xxxv, 10.

Les chapitres lvi-lxvi.

 Autant les chapitres,

Is., xl-lv, forment un tout homogène, où se reflète nettement le temps qui précéda immédiatement la chute de Babylone, autant le reste du livre apparaît comme une masse disparate dont les morceaux supposent une situation différente de celle des oracles de xl-lv, et la présentent sous différents aspects, alors que les précédents oracles la supposent toujours identique. Déjà pour cette raison l’opinion des exégètes qui placent ces onze chapitres, dans un seul et même milieu au point de vue historique et géographique, ne peut se justifier. C’est ainsi que Duhm et, sur ses traces, Marti, Cornill, Steuernagel, Gautier les datent du temps qui précéda Néhémie et Esdras, donc vers le milieu du ve siècle, et Feldmann, t. ii, p. 14, 195, 203-224, de l’époque exilienne. D’ailleurs la première tentative se heurte au fait que les prétendues allusions au milieu du ve siècle n’existent pas, la seconde à l’impossibilité, ou tout au moins à l’extrême difficulté, que du reste Feldmann reconnaît lui-même pour lvi, 9-lvii, 13 ; lix, de faire cadrer toutes les parties avec le temps exilien. Il ne reste donc qu’à classer avec Budde, Sellin, Kittel, les textes d’après les circonstances avec lesquelles ils sont en harmonie. Ces circonstances ne sont pas toujours aussi faciles à déterminer que celles de xl-lv. Il faut, nous semblet-il, penser pour lvii, 14-21 ; lviii ; lix, 15 b -21 ; lx-lxv, au temps qui précède et pour lvi, 1-8 ; lxvi, 5-25, au temps qui suit le retour, et parmi ces textes distinguer entre ceux qui sont rapprochés des oracles d’Aggée et de Zacharie et ceux qui voisinent avec les prophéties de Malachie.

Puisqu’on doit répartir ainsi les textes, il en résulte que les prophéties messianiques qui y sont contenues forment, au lieu d’un tableau harmonieux, une mosaïque multicolore dont on doit étudier une à une les différentes pièces.

X. — 47