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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/99

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MESSIANISME, APRÈS L’EXIL : JOËL


monothéisme en dehors d’Israël n’est-il pas une pure fiction’?

Dans le célèbre verset i, 11, il ne peut donc s’agir que d’une promesse pour l’avenir, d’une promesse de salut universel fondé sur le fait, que partout on parviendra à connaître Jahvé et à l’adorer. Cette promesse, si souvent faite pour l’ère messianique, est répétée par Malachie et exprimée sous cette forme nouvelle que, dans le futur royaume de Dieu, le culte officiel n’aura pas lieu seulement à Jérusalem mais partout.

Après les prêtres, le prophète blâme aussi les autres membres du peuple, surtout les maris qui se séparent de leurs femmes, pour épouser des païennes. Il se voit même obligé de faire des reproches à ceux des Israélites qui servent fidèlement Jahvé. Il les réprimande à cause de leur pusillanimité et de leurs doutes au sujet de la bonté divine. Ces gens pieux, en face du bonheur des impies et des promesses non réalisées, demandent : « Où est le Dieu du jugement ? ii, 17. Pour les réconforter et pour terrifier en même temps les pécheurs, Malachie annonce que Jahvé ne tardera pas à venir. Mais auparavant il enverra un messager qui lui préparera le chemin, iii, 1. D’après iv, 4-6 (héb., iii, 22-24), ce messager est le prophète Élie et il aura comme tâche de travailler à la conversion du peuple pour le préserver de la ruine. (Presque tous les critiques regardent ces trois versets comme une addition postérieure. Ils n’ont pas tort ; mais est-il nécessaire de les attribuer à un autre que Malachie ? Celui-ci a très bien pu ajouter lui-même cette explication complémentaire.)

La manifestation du TrèsHaut sera terrible. Son jour sera brûlant comme la fournaise iv, 1 (m, 19). D’après le texte actuel, Jahvé sera, à son arrivée, accompagné de l’ange d’alliance. Autrefois on a pris cet ange pour l’ange gardien de la communauté juive. C’est plutôt l’ange de Jahvé, mentionné au Pentateuque et aux livres historiques. Mais parce que l’ange de Jahvé et Jahvé lui-même ne sont jamais présentés comme se manifestant ensemble, la mention de l’ange de l’alliance semble être due à un lecteur qui a voulu amoindrir l’idée de la manifestation du Dieu transcendant.

Après son avènement Jahvé siégera au temple comme juge. Son jugement causera la plus grande terreur et sera pour le peuple ce qu’est le feu du fondeur pour l’argent, le sel de lessive pour la laine, ni, 1-5 (avec raison Sellin regarde, ni, 6-12, comme la suite de i, 1-5 ; en effet, les idées de iii, 6-12, qui sont en contraste avec le contexte, cadrent par contre avec celles de r, 1-5). Les pécheurs seront dévorés comme de la paille. Ceux-là par contre qui craignent Jahvé vivent dès maintenant sous la protection de Dieu qui inscrit leurs bonnes œuvres dans un livre, et « au jour de Jahvé, se lèvera [pour eux ] le soleil de justice et la guérison sera dans ses rayons ». Pour terminer Malachie les apostrophe ainsi : « Vous sortirez et bondirez comme les veaux d’étable. Vous foulerez les méchants, car ils seront comme de la poussière sous la plante de vos pieds. » iv, 2-3 (m, 20-21).

Voir les commentaires des douze petits prophètes col. 1429. — D. H. Millier, Discours de Malachie dans Revue biblique, 1896, p. 535 sq. ; C. Torrey, The prophecy of Malachi, dans Journal o/ biblical lit., 1898, p. 1 sq. ; M. Fadyen, The (laie o/ Malachi, 1911 ; P. Schepens, Le prophète Mutin h ici ( = Malachias) dans Recherches de science religieuse, 1921, p. 362 sq. ; A. Rembold, Die eucharistische Weissagung des Propheien Mulachias, dans Théologie und Glau.be, 1924, p. 58 sq. ; A. v. Bulmerincq, Einleilung in dus Buch des Propheten Maleachl, 1926 ; Touzard, L’âme juive nu temps des Perses, dans Revue biblique, 1927, p. 179 sq. ; K. Marti, Muleachi dans Kautzsch, 1923.

Vil. JOËL. — Bien qu’il se trouve dans la liste des douze petits prophètes entre les deux premiers,

Osée et Amos, Joël a sans doute exercé son ministère après l’exil. De tous les arguments qui militent en faveur de cette date tardive, celui qui est fourni par le contenu eschatologique de son livre est le plus décisif.

Les idées messianiques donnent, en effet, au petit écrit de Joël un caractère très prononcé. Non seulement elles le remplissent d’un bout à l’autre, mais elles s’y trouvent exposées d’une façon plus précise et plus systématique que chez n’importe quel autre prophète. On aime, de ce chef, à l’appeler un compendium d’eschatologie judaïque.

1° Le livre se compose de deux discours, i, 111, 18 ; ii, 19-in, 21 (hébr., iv, 21), que le prophète prononça lors d’une calamité causée par une immense invasion de sauterelles. Après une première irruption de ces insectes, une seconde se passa sous les yeux de Joël au moment où il parlait pour la première fois. Les suites en furent tellement graves, qu’il crut voir en ceci les signes précurseurs du jour de Jahvé. Comme Sophonie, i, 14, il s’écrie, i, 15 ; ii, 1 : « Le jour de Jahvé est proche. Il arrive comme une tempête de la part du Tout-Puissant. » Parce que c’est un « jour de ténèbres et d’obscurité, de nuage et de brouillard », ii, 1, « un jour très redoutable », ii, 11, Joël exhorte « tous les habitants du pays », à faire pénitence, à jeûner, à assaillir le ciel de prières communes, ii, 15-16. Les prêtres doivent pleurer et dire : « Aie pitié, Jahvé, de ton peuple et ne livre point ton héritage à l’opprobre », ii, 17.

A la lecture de ce premier discours, i-ii, 17, on voit bien que Joël rattache le jour de Jahvé à une invasion extraordinaire de sauterelles dont il vient d’être le témoin. Bien que la fin de l’ordre actuel fût présentée par maint prophète comme imminente, de tout temps la plupart des exégètes ont cru devoir se dérober à la constatation de la connexion intime qui existe d’après Joël entre le fléau des sauterelles et le jour de Jahvé. C’est pourquoi ils ont abouti à des interprétations inexactes du livre. Pendant toute l’antiquité chrétienne et le Moyen Age, et assez souvent encore dans les temps modernes, ils ont pris la description des sauterelles pour une prophétie sur l’invasion de peuples ennemis, par exemple, Schmalohr, Das Buch des Propheten Joël, 1922, p. 87 sq. Depuis le siècle passé quelques auteurs, surtout van Hoonacker, p. 143 sq, tout en préférant l’explication réaliste à cette conception allégorique, ont cru qu’il s’agissait de sauterelles futures qui ne seraient pas des bêtes ordinaires, mais des êtres apocalyptiques dignes d’inaugurer le jour de Jahvé. Les représentants de ces deux systèmes d’interprétation ont infligé au texte de Joël de véritables tortures. Les tout derniers commentateurs, Bothstein, Byssel, Duhm, Hôlscher, A. Bewer, Sellin, ont eu recours pour comprendre les deux premiers chapitres non pas en premier lieu à l’exégèse, mais à la critique littéraire. Ils ont essayé de diviser le livre en deux morceaux distincts. A Joël reviendrait seulement la description de l’invasion des sauterelles, i-ii ; un prophète inconnu y aurait ajouté le tableau du jugement final, m-iv ; il aurait en même temps remanié le texte de Joël dans un sens eschatologique en y intercalant surtout les f. i, 15 ; H, l b -2, 11. Cette tentative de vider les chapitres i-ii de tout sens eschatologique est tout à fait arbitraire : il n’y a désaccord ni entre la première et la seconde partie du livre, ni entre les versets eschatologiques de la première et leur contexte ; mais elle se comprend comme une réaction contre l’exégèse reçue.

Les deux premiers chapitres sont donc historiques et eschatologiques en même temps, c’est-à-dire que l’invasion des sauterelles appartient à l’époque de