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Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/107

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meurs, tirant en l’air des coups de fusil, au son du tambour, et précédés de sapeurs qui menaçaient d’abattre les portes peu promptes à s’ouvrir. On exigeait la remise immédiate des papiers féodaux au nom des paysans armés pour la destruction de la féodalité, on les brûlait sur place s’ils étaient en petit nombre ; dans le cas contraire, on les entassait sur des chars et on allait en faire de grands feux dans quelque prairie des environs.

Tout était respecté, hormis les paperasses antiques ; quelquefois on recourait à la menace, mais seulement pour intimider les nobles récalcitrants. Un seigneur, refusant de livrer ses archives par la péremptoire raison qu’il ne les avait pas chez lui :

— Tes papiers ou bien ta tête ! lui cria-t-on.

Mais on n’arracha pas même un cheveu à cette tête. — Les Suisses montrent toujours un certain amour de l’ordre jusque dans le désordre des révolutions. — Un jour on feignit de vouloir pendre un châtelain qui, outré de colère, avait mis flamberge au vent et vomissait des invectives contre les brûleurs de papiers.

Le chef de ces paysans était un certain capitaine Raymond, d’abord ouvrier imprimeur, puis officier dans une demi-brigade helvétique. Cet homme ne manquait ni d’énergie ni de capacité militaire, et avait, de plus, une remarquable facilité d’élocution ; il finit par devenir fou ou illuminé, — c’est tout un, — quand il n’eut plus de