Aller au contenu

Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Bougy, — 9 heures.

Cet endroit, — je le dis à regret, — n’est qu’un pauvre hameau montagnard, pierreux, escarpé, d’un assez difficile accès, mais dans une position romantique et abritée des vents froids. Je ne m’étonne point que ses coteaux produisent un vin estimé.

Bron est allé me cueillir quelques grappes dorées de sa vigne, qui pourraient entrer en comparaison avec celles de la terre de Chanaan, puis il m’a dit :

— Vous feriez bien, monsieur, d’acheter la bourgeoisie de votre village, cela ne vous coûterait pas plus de six cents francs de France[1].

— Je suis né, je vivrai et mourrai Français, maître Bron, en dépit de toutes les séductions dangereuses de votre pays ; renier sa patrie c’est renier sa mère ; je ne saurais approuver les gens qui se font naturaliser parmi des étrangers : ces gens-là, en général, ont le cœur aride, l’âme insensible, ne tiennent ni au sol natal, ni à la famille, ni à la maison paternelle, ni à l’héritage moral de la gloire nationale, — car tout peuple a le sien. — Supposons que je sois devenu citoyen vaudois : la guerre éclate entre la France et la Suisse, si je prends

  1. Le franc de Suisse vaut 50 centimes de plus que le nôtre.