Aller au contenu

Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ordre moral. — Ici fut son théâtre, et j’y rêve en me promenant au milieu des bois profonds.

Au vieux château de Lugrin, devenu une ferme, la cour d’entrée, qui n’est plus qu’une basse-cour, montre un de ces désordres campagnards, un de ces fouillis rustiques disposés comme pour la peinture : fumiers, volatiles, outils champêtres, fagots, tout est à souhait parmi des vestiges de féodalité, tout s’harmonise admirablement.

Oh ! si Messonnier, mon camarade de collége, était là !

D’un côté de cette enceinte règne un rang d’arceaux sombres surbaissés, s’appuyant à une tour ronde qui renferme un escalier en colimaçon, éclairé par des fenêtres percées irrégulièrement, sans aucune symétrie, dont l’effet est des plus bizarres.

J’ai trouvé à Lugrin trois jeunes gens de la classe aisée d’Évian, ils revenaient de la chasse la gibecière et l’estomac parfaitement vides. — Nous sommes entrés dans la cuisine enfumée de la ferme-château, ou, si tu aimes mieux, du château-ferme.

La fille du fermier, qui est accorte, gentille et délurée, — car elle a habité Genève, — nous a reçus, et les chasseurs se sont permis quelques petites privautés avec elle ; l’apparition du père y a mis fin.

Marie fa no un brisolon, a dit en patois un de ces francs godelureaux de village. — Marie, fais-nous un brisolon.