Aller au contenu

Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/407

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Aimez-vous mieux que je me retire ? dit Richelieu.

Le Roi signa.

— Est-ce donc fini ? dit-il avec un profond gémissement.

Ce n’était pas fini : une autre douleur lui était réservée. La porte s’ouvrit brusquement, et l’on vit entrer Cinq-Mars. Ce fut, cette fois, le Cardinal qui trembla.

— Que voulez-vous, monsieur ? dit-il en saisissant la sonnette pour appeler.

Le grand Écuyer était d’une pâleur égale à celle du Roi ; et sans daigner répondre à Richelieu, il s’avança d’un air calmé vers Louis XIII. Celui-ci le regarda comme regarde un homme qui vient de recevoir sa sentence de mort.

— Vous devez trouver, Sire, quelque difficulté à me faire arrêter, car j’ai vingt mille hommes à moi, dit Henry d’Effiat avec la voix la plus douce.

— Hélas ! Cinq-Mars, dit Louis douloureusement, est-ce toi qui as fait de telles choses ?

— Oui, Sire, et c’est moi aussi qui vous apporte mon épée, car vous venez sans doute de me livrer, dit-il en la détachant et la posant aux pieds du Roi, qui baissa les yeux sans répondre.

Cinq-Mars sourit avec tristesse et sans amertume, parce qu’il n’appartenait déjà plus à la terre. Ensuite, regardant Richelieu avec mépris :

— Je me rends parce que je veux mourir, dit-il ; mais je ne suis pas vaincu.

Le Cardinal serra les poings par fureur ; mais il se contraignit.

— Et quels sont vos complices ? dit-il.

Cinq-Mars regarda Louis XIII fixement, et entr’ouvrit les lèvres pour parler… Le Roi baissa la tête, et souffrit en cet instant un supplice inconnu à tous les hommes.