Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/482

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Plusieurs rapports ajoutent que, conduit à la chambre de la torture, il s’écria : — Où me menez-vous ? — Qu’il sent mauvais ici ! en portant son mouchoir à son nez. Ce dédain me semble un de ces traits de bravoure moqueuse dont notre histoire fourmille.

Il rappelle le mot d’un gentilhomme qui, conduit à l’échafaud de 1793, dit au charretier du tombereau : « Postillon, mène-nous bien, tu auras pour boire. » Les Français se vengent de la mort en se moquant d’elle.


Fragment d’une lettre de Monsieur de Marca, conseiller d’Estat, à Monsieur de Brienne, secrétaire d’Estat, laquelle fait mention de tout ce qui s’est passé à l’instruction du procez de Messieurs de Cinq-Mars et de Thou.


Monsieur

J’ay creu que vous auriez pour agréable d’estre informé des choses principales qui se sont passées au jugement qui a esté rendu contre Messieurs le Grand et de Thou ; c’est pourquoy j’ay pris la liberté de vous en donner connoissance par celle-cy. Monsieur le Chancelier commença par la déposition de Monsieur le duc d’Orléans, laquelle il receut en forme judiciaire à Ville-Franche en Beau-Jolois, où estoit lors Monsieur, dont lecture luy fut faite en présence de sept commissaires qui assistoient Monsieur le Chancelier. En cette action il déclara que Monsieur le Grand l’avoit sollicité de faire une liaison avec luy et avec Monsieur de Bouillon, et de traiter avec l’Espagne ; ce qu’ils auraient résolu eux trois dans l’hostel de Venise, au faubourg Saint-Germain, environ la feste des Rois dernière.

Fontrailles fut choisi pour aller à Madrid, où il arresta le traité avec le Comte-Duc, par lequel le Roy d’Espagne promettoit de fournir douze mille hommes de pied et cinq mille chevaux de vieilles troupes, quarante mille escus à Monsieur pour faire nouvelles levées, etc., etc…

La confession du traité, sans l’avoir révélé, jointe aux preuves qui sont au procez, des entremises pour la liaison des complices, et le temps de six semaines ou plus que M. de Thou avoit demeuré près de M. le Grand, logeant dans sa maison près de Perpignan, le conseillant en ses affaires, après avoir eu connoissance que ledit sieur