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Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/50

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marchande, vous étiez restée assez longtemps, pour cela, seule avec le beau sorcier.

— Eh bien, la belle, il y a maintenant un mois que vous seriez dépossédée, dit un jeune soldat qui vint se mêler au groupe en fumant sa pipe.

La jeune fille rougit, et ramena sur sa jolie figure le capuchon de sa pelisse noire. Les vieilles femmes jetèrent un regard de mépris sur le soldat, et, comme elles se trouvaient alors près de la porte d’entrée encore fermée, elles reprirent leurs conversations avec plus de chaleur que jamais, voyant qu’elles étaient sûres d’entrer les premières, et, s’asseyant sur les bornes et les bancs de pierre, elles se préparèrent par leurs récits au bonheur qu’elles allaient goûter d’être spectatrices de quelque chose d’étrange, d’une apparition, ou au moins d’un supplice.

— Est-il vrai, ma tante, dit la jeune Martine à la plus vieille, que vous ayez entendu parler les démons ?

— Vrai comme je vous vois, et tous les assistants en peuvent dire autant, ma nièce ; c’est pour que votre âme soit édifiée que je vous ai fait venir avec moi aujourd’hui, ajouta-t-elle, et vous connaîtrez véritablement la puissance de l’esprit malin.

— Quelle voix a-t-il, ma chère tante ? continua la jeune fille, charmée de réveiller une conversation qui détournait d’elle les idées de ceux qui l’entouraient.

— Il n’a pas d’autre voix que la voix même de la supérieure, à qui Notre-Dame fasse grâce. Cette pauvre jeune femme, je l’ai entendue hier bien longtemps : cela faisait peine de la voir se déchirer le sein et tourner ses pieds et ses bras en dehors et les réunir tout à coup derrière son dos. Quand le saint père Lactance est arrivé et a prononcé le nom d’Urbain Grandier, l’écume est sortie de sa bouche, et elle a parlé latin comme si elle lisait la