Aller au contenu

Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nant par une croix d’or ; mais la blancheur éclatante de son visage, que relevait encore la couleur brune de son capuchon, attirait d’abord tous les regards ; ses yeux noirs semblaient porter l’empreinte d’une profonde et brûlante passion ; ils étaient couverts par les arcs parfaits de deux sourcils que la nature avait dessinés avec autant de soin que les Circassiennes en mettent à les arrondir avec le pinceau ; mais un léger pli entre eux deux révélait une agitation forte et habituelle dans les pensées. Cependant elle affectait un grand calme dans tous ses mouvements et dans tout son être ; ses pas étaient lents et cadencés ; ses deux belles mains étaient réunies, aussi blanches et aussi immobiles que celles des statues de marbre qui prient éternellement sur les tombeaux.

— Oh ! remarquez-vous, ma tante, dit la jeune Martine, sœur Agnès et sœur Claire qui pleurent auprès d’elle ?

— Ma nièce, elles se désolent d’être la proie du démon.

— Ou se repentent, dit la même voix d’homme, d’avoir joué le ciel.

Cependant un silence profond s’établit partout, et nul mouvement n’agita le peuple ; il sembla glacé tout à coup par quelque enchantement, lorsque à la suite des religieuses parut, au milieu des quatre pénitents qui le tenaient enchaîné, le curé de l’église de Sainte-Croix, revêtu de la robe du pasteur ; la noblesse de son visage était remarquable et rien n’égalait la douceur de ses traits ; sans affecter un calme insultant, il regardait avec bonté et semblait chercher à droite et à gauche s’il ne rencontrerait pas le regard attendri d’un ami ; il le rencontra, il le reconnut, et ce dernier bonheur d’un homme qui voit approcher son heure dernière ne lui fut pas refusé : il entendit même quelques sanglots ; il vit des bras s’é-