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Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/68

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ment Lactance, que vous doutiez de la vérité de vos reliques !

Pas plus que de celle de la possession, a répondu M. du Lude en ouvrant sa boîte.

Elle était vide.

— Messieurs, vous vous moquez de nous, a dit Lactance.

J’étais indigné de ces momeries et lui dis :

— Oui, monsieur, comme vous vous moquez de Dieu et des hommes. C’est pour cela que vous me voyez, mon cher ami, des bottes de sept lieues, si lourdes et si grosses, qui me font mal aux pieds, et de longs pistolets ; car notre ami Laubardemont m’a décrété de prise de corps, et je ne veux point le lui laisser saisir, tout vieux qu’il est.

— Mais, s’écria Cinq-Mars, est-il donc si puissant ?

— Plus qu’on ne le croit et qu’on ne peut le croire ; je sais que l’abbesse possédée est sa nièce, et qu’il est muni d’un arrêt du conseil qui lui ordonne de juger, sans s’arrêter à tous les appels interjetés au parlement, à qui le Cardinal interdit connaissance de la cause d’Urbain Grandier.

— Et enfin quels sont ses torts ? dit le jeune homme déjà puissamment intéressé.

— Ceux d’une âme forte et d’un génie supérieur, une volonté inflexible qui a irrité la puissance contre lui, et une passion profonde qui a entraîné son cœur et lui a fait commettre le seul péché mortel que je croie pouvoir lui être reproché ; mais ce n’a été qu’en violant le secret de ses papiers, qu’en les arrachant à Jeanne d’Estièvre, sa mère octogénaire, qu’on a su et publié son amour pour la belle Madeleine de Brou ; cette jeune demoiselle avait refusé de se marier, et voulait prendre le voile. Puisse ce voile lui avoir caché le spectacle d’aujourd’hui ! L’élo-