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Page:Alis - Hara-Kiri, 1882.pdf/11

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hara-kiri

cruels barbares d’Europe que leur insatiable avidité poussait sur les côtes de l’empire.

Mais, hélas ! Taïko s’était trompé, de même que les autres Samouraïs. Le mikado, ce prince fainéant, invisible et immobile dans son impénétrable palais de Kioto, ne semblait sortir de sa torpeur que pour dépasser les plus fantasques, dans leur amour des innovations. Il avait quitté l’antique cité royale pour venir à Yedo, la ville des shogouns, la première station où soufflait maintenant comme un vent empesté des idées étranges des barbares. Semblant perdre la tête, ce descendant des martyriseurs de chrétiens se faisait l’hôte empressé des Occidentaux. Une à une, il abattait les barrières élevées pendant des siècles par la prudence de ses ancêtres. Le vieux samouraï, irrité, désappointé, désespéré, voyait disparaître peu à peu toutes les traditions de l’empire. Un courant de folie entraînait les esprits. Le costume national, même, si majestueux, si original, avec ses nuances fines et délicates, était abandonné. Des gens à grande barbe, à longs cheveux, semblant éternuer quand ils parlaient, étaient venus et coupaient en lanières des cadavres humains ; d’autres, à longs favoris, à longues dents, à longues jambes, creusant le sol, paraissait chercher des trésors ; puis d’autres encore, dorés, sur les coutures, l’air belli-