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Page:Alis - Hara-Kiri, 1882.pdf/144

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Le plus difficile était fait. Si maintenant le Boulevard prenait, le reporter Estourbiac devenait d’emblée directeur d’un grand journal parisien. C’était la puissance et la fortune. Malheureusement, le mérite n’est pas toujours récompensé. Et puis, la composition du journal, c’était le point faible du nouveau directeur. Le montant de la vente journalière et des abonnements suffit à peine à payer irrégulièrement les articles de tête. Pour les autres rédacteurs, Estourbiac les invitait paternellement à prendre patience, pestant du reste volontiers avec eux contre ces canailles de bailleurs de fonds qui sont assommants… C’était là son grand cheval de bataille. Toujours il parlait, avec des sous-entendus mystérieux, de ces bailleurs de fonds… puissants financiers… rois de la banque… incognito indispensable. Mais on ne les voyait jamais, et leurs capitaux pas davantage.

Les échotiers, les petits journalistes qui rédigeaient la cuisine du Boulevard étaient de ces débutants, de ces bohèmes de lettres sans emploi, comme il s’en trouve toujours des dizaines sur le pavé de Paris. Pareils à une nuée de corbeaux affamés, ils s’étaient abattus dans les bureaux du journal, à la première nouvelle de sa fondation et, sans trop croire aux éblouissantes promesses d’Estourbiac, ils vivaient d’espérances et de quelques pièces de cent sous raccrochées par-ci par-là. Les