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Page:Alis - Hara-Kiri, 1882.pdf/228

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hara-kiri

— Que tu veuilles m’aider ou non, je me vengerai… Je le tuerai !…

Il sourit doucement sans répondre, très incrédule. Pourtant, à la suite de cette exclamation mélodramatique, voyant qu’elle gardait un silence sombre durant plusieurs jours, et qu’elle paraissait méditer quelque chose, il commença à s’inquiéter. Avec sa tête de linotte et les idées baroques qui la prenaient parfois, il la savait capable de toutes les sottises.

Un soir, il la surprit, lisant attentivement une affaire d’assises ; il s’agissait d’une jeune femme accusée d’avoir défiguré un amant infidèle en lui jetant au visage le contenu d’une fiole de vitriol. Le jury l’avait acquittée. À table, ils discutèrent la décision des jurés. Cora trouvait qu’ils avaient eu bien raison. À la place de la femme, elle agirait comme elle. Cela devenait bête, à la fin, de voir toujours les femmes sacrifiées sans qu’elles pussent rien dire. Si on prenait l’habitude de se venger, les hommes regarderaient à deux fois avant de vous lâcher. Estourbiac exprima gravement son opinion. Il pensait qu’on s’engageait dans une voie déplorable. Quels que soient les torts de l’homme, on n’a pas le droit de le tuer. Il est défendu de se faire justice soi-même. Sans quoi, c’en est fait de la civilisation, on retourne à l’état de barbarie…