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Page:Allais - À l’œil.djvu/131

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nant qu’il est de l’Académie, je commence mon histoire et je ne l’interromprai plus.

Il y avait une fois, place des Ternes, une petite fille d’environ treize ans, pas encore jolie, mais déjà très gentille. Cette petite fille venait de prendre dans le bureau des omnibus un numéro pour la Villette. À son costume, à son allure, à ses petites mines, quelqu’un au courant des ateliers et des rues de Paris pouvait déterminer, sans erreur, la situation sociale de la fillette. C’était une petite apprentie, un trottin de modiste.

Très brune avec de grands yeux noirs, que nos grands pères appelaient des yeux fripons, habillée d’une petite toilette printanière, gentille et simple, car cela se passait par une de ces belles journées qui signalèrent la fin d’avril dernier, la petite modiste manifestait son impatience. De temps en temps, elle regardait son numéro de carton, comme si cette vue dût presser la venue du tramway attendu.

Au bout de deux minutes, il en arriva un. C’était le chocolat, place de l’Étoile-la Villette, presque vide. Je m’attendais à voir ma petite voyageuse se précipiter avidement. Elle n’en fit rien.

D’une moue dédaigneuse, elle le laissa passer sans l’honorer de sa présence. La minute