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Page:Allais - En ribouldinguant.djvu/36

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Une vraie perle


Vers le commencement de ce mois environ, le jeune vicomte Guy de Neucoulant vit sa pauvre âme envahie par le vague.

Sa maitresse l’avait planté là.

Pourquoi sa maîtresse l’avait-elle planté là ?

Désirez-vous le savoir ? Vous vous en fichez ! Eh bien ! et moi, donc !

Je vais tout de même, bien que la chose ne comporte pas un intérêt excessif, vous la narrer.

Ce n’est pas que ce soit sale, mais ça tiendra de la place.

Hortense — ai-je besoin de dire qu’elle s’appelle Hortense — est une délicieuse personne, belle comme le jour, mais niaise comme la lune.

L’aisance avec laquelle cette jeune femme digère les plus démesurées bourdes, tient réellement du prodige.

Ah ! ce n’est pas elle qui inventa la mélinite (regrettons-le pour M. Turpin, en passant). Seulement, quand elle s’aperçoit qu’on s’est fichu d’elle, Hortense en conçoit un vif ressentiment, et cette dinde se transforme en hyène, dès lors.

C’est cette susceptibilité qui amena la rupture annoncée plus haut.

Un jour qu’elle se trouvait avec Guy dans je ne sais plus quel bar américain (celui de la rue Volney, peut-être), un journal abandonné sur une table frappa ses regards. Ce journal s’appelait The Shipping Gazette. Elle demanda à Guy la signification de ce titre.

— Comment, fit Guy d’un air étonné, tu ne comprends pas ?

— Ma foi, non.

— C’est le journal des pick-pockets. En anglais, pick-pocket se dit shipping. C’est même de là que vient le mot français chiper.

— Allons donc !

— Puisque je te le dis.