Aller au contenu

Page:Allais - L’Arroseur.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
L’ARROSEUR

ou que, si elle existait, elle n’avait jamais porté ce nom-là, et alors, c’est comme si, pour moi, elle n’existait pas, savez-vous !

Moi, je m’entêtais ! Pourquoi la rue de Pontoise n’existerait-elle pas à Anvers ? Nous avons bien, à Paris, la place d’Anvers et la rue de Bruxelles.

Il fallut bientôt me rendre à la cruelle réalité, et je réintégrai le train de Bruxelles, métropole où je comptais, à ce moment, plus d’amis qu’à Anvers. (Mes relations anversoises se sont, depuis lors, singulièrement accrues.)

Pas plutôt débarqué à Bruxelles, voilà que je tombe sur les frères Lynen, les braves et charmants qui m’emmènent chez l’un d’eux, où nous dînâmes et soupâmes en tant bonne et cordiale compagnie, jusqu’au petit jour. Cette nuit demeure un de mes bons souvenirs.

Oui, mais Charlotte !

Charlotte, je la revis quelques mois plus tard, au vernissage du Champ-de-Mars.

Une Charlotte méprisante, hautaine, mauvaise et pas contente.

— Vous auriez pu m’écrire, au moins, mon cher.

— Mais pourquoi écrire, puisque je suis venu ?

— Vous êtes venu, vous ?

— Bien sûr, je suis venu, et personne ne connaissait la rue de Pontoise.

— Personne ne connaissait la rue de Pontoise ?

— Personne ! J’ai demandé à tous les cochers d’Anvers…

— À tous les cochers… d’où ?

— À tous les cochers d’Anvers.

Je n’avais pas fini de prononcer ces mots, que j’éprouvai une réelle frayeur.

Charlotte s’appuya contre une statue de Meunier et devint la proie d’un spasme.