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Page:Allais - L’Arroseur.djvu/120

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L’ARROSEUR

Depuis mon enfance la plus reculée, tous les messieurs entre deux âges, flanqués de favoris grisonnants très soignés, me font l’effet de diplomates autrichiens.

Vous me direz qu’à ce compte-là, la diplomatie autrichienne serait à la tête d’un personnel plus nombreux que de raison.

Vous me direz aussi…

Vous me direz tout ce que vous voudrez.

Moi, je vous répondrai simplement ces paroles :

— Je ne vous ai jamais assuré que ce monsieur fût un diplomate autrichien : je disais simplement qu’il me faisait l’effet d’en être un.

Et puis, vous savez, assez là-dessus, hein ?

Le diplomate autrichien — je ne le désignerai pas autrement, en dépit de vos criailleries de sectaires — le diplomate autrichien, dis-je, conduisit la suggestive jeune femme à la portière d’un coupé-lit, dans lequel elle pénétra avec la légèreté de l’oiseau lancé d’une main sûre.

Jusqu’à présent, rien que de très naturel.

À partir de ce moment, les incrédules peuvent apprêter leurs faciles haussements d’épaules.

Le diplomate autrichien, après un petit salut qui signifiait à tout à l’heure, se dirigea vers le fourgon aux bagages, y grimpa d’un air d’ankylose et s’assit sur une malle.

Le sifflet de la locomotive déchira l’air de sa stridence ; je n’eus que le temps de regagner ma place.

Une grande stupeur lotissait mon âme inquiète ; quelle étrange fonction de diplomate autrichien peut-il bien remplir dans ce fourgon à bagages ?

Surveillerait-il point le traité d’alliance de la Triplice ? Pourquoi pas, mais tout de même rigolo !

Et la petite bonne femme, là, dans son coupé-lit, avec ses drôle de-z-yeux ?