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Page:Allais - L’Arroseur.djvu/75

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L’ARROSEUR

Un jour, je visitais un appartement dans la rue Jules-Renard, un joli petit appartement confortable, propre et coquet.

Elle-même, la maîtresse de la maison, guidait mes pas.

Je me trompai tout d’abord sur l’étiage social et mondain de cette dame.

Une cossue bonne petite bourgeoise, conjecturais-je.

Je ne me trompais pas de beaucoup ; mon éventuelle hôtesse était, en effet, une cossue bonne petite bourgeoise, mais — horrendum ! — pas mariée et de posture analogue à celle de cette Mme Warner, que notre distingué Vandérem nous a si bien contée dans l’éminent Charlie.

Une demi-mondaine bien popote, bien sage et pratique au-delà de toute prévision.

Comme son bail n’était pas tout à fait fini, la dame avait hâte de trouver un brave locataire qui prît l’appartement tout de suite, et je goûtais vive joie à l’entendre déployer tant d’éloquence à me persuader les innombrables charmes de son logement.

« Toutes les pièces, disait-elle, se commandaient sans se commander. »

Elle avait placé son lit comme ça, mais on pouvait le placer autrement, comme ça, par exemple, sans que rien n’eut à flancher dans l’harmonie de la pièce.

Jolie, comme ça, la mâtine ! Un peu replète, mais très fraîche, malgré la trentaine à coup sûr dépassée.

En retraversant la salle à manger :

— Vous prendrez bien un doigt de Porto ? insinua-t-elle.

Une pas autrement déplaisante petite femme de chambre me débarrassa de mon chapeau, de mon pardessus, de ma canne et servit le Porto.

Nous en savourions le second verre, quand vibra la sonnerie de l’entrée.