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Page:Allumez vos lampes, s'il vous plaît, 1921.djvu/87

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« Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis. »

Connaissez-vous, mon R. Père, les manuels dont se servent les Frères enseignants ? Avez-vous jamais lu, par exemple, les cinquièmes leçons des cours élémentaire, moyen et supérieur des « Leçons de Langue Française, » éditées par les Frères des Écoles Chrétiennes ? Tous leurs collèges commerciaux voient ces trois cours en entier. De plus, un « Cours Complémentaire » très en faveur dans plusieurs établissements d’enseignement secondaire, est à la disposition des élèves qui poursuivent leurs études au-delà de la septième année. Nous mentionnons ces ouvrages parce que nous les connaissons mieux. Les autres congrégations enseignantes et nos professeurs laïques sont sans doute pourvus d’aussi bons manuels, la culture générale donnée par ces éducateurs s’attache beaucoup plus à développer l’esprit français qu’à donner une mentalité commerciale. Tant vaut le maître, tant vaut l’école, et il y a moyen d’enseigner le commerce, même en anglais, sans matérialiser les esprits, sans désaffectionner de la belle langue française, et sans faire de nos enfants « des saxons parlant français ; » comme il y a moyen d’enseigner le latin et le grec sans faire des païens.

« La question n’est pas de savoir si, de nos jours, il faut mieux savoir les mathématiques, l’anglais ou la tenue des livres : la question qui domine, tout le débat c’est de savoir si cet enseignement est le plus apte à développer les qualités propres de notre race. Or, il ne l’est pas. Les Français, un moment hésitants, reviennent avec une ferveur de convertis sur les erreurs qui les avaient d’abord égarés. » (page 357).

Il est évident qu’une race éprise d’art et de poésie est plus à l’aise dans le spéculatif et dans les lettres que dans les sciences appliquées ; mais laisser entendre que les Français se détournent aujourd’hui de l’utilitarisme, c’est tout bonnement induire ses lecteurs en erreur. Tous les bibliophiles savent qu’avant la guerre il était difficile de trouver de bons manuels français de comptabilité, de commerce, de science financière, de méthodes en affaires, de méthodes de dactylographie, etc., tandis que maintenant les catalogues des librairies en annoncent de nouveaux tous les jours.

Dans un ouvrage récent, M. Victor Cambon, celui que les Français ont surnommé le maître-ouvrier de la reconstruction de l’édifice national, avertit ses compatriotes (La France au travail, page 7) que « nous marchons vers une époque où les puissances d’argent gouverneront les peuples, » et dans son livre « États-Unis-France » il leur montre les Yankees créant de toutes pièces des écoles professionnelles où l’enseignement technique est largement dispensé avec « cette précision et cette ingéniosité qui les caractérisent ». « En matière d’organisation commerciale, ajoute-t-il, les Américains du Nord ont été des précurseurs et des initiateurs. »

Mais les déclarations les plus précises et les plus instructives à ce sujet, sont celles de MM. Jules Lepain et Jacques Grandville, deux français très