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Page:Allumez vos lampes, s'il vous plaît, 1921.djvu/99

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clôt le cours élémentaire, l’anglais prenne rang parmi les matières fondamentales, ce qui suppose nécessairement qu’il occupera ce rang au cours des études. Certains professeurs des écoles de Montréal demandent, eux, l’enseignement de l’anglais dès la première année.

Ces deux projets, inspirés du même principe, tendent à mettre l’anglais presque sur le même pied que le français dans l’école primaire. Nous verrons plus loin le peu de fondement qu’on peut réclamer pour justifier une proposition aussi surprenante. Et il n’est pas besoin d’être prophète pour prédire qu’avant longtemps, au train où l’on y va dans certaines écoles, le français de ces écoles deviendra la langue seconde.

Ici encore, je souligne une fois de plus la difficulté qu’il faut surmonter pour redonner à l’école élémentaire le caractère que lui assigne son rôle naturel. On veut absolument que l’homme soit complet au sortir de la petite école. On veut encombrer de toutes manières, et on ne veut pas laisser à l’esprit de l’enfant la chance de recevoir en paix le premier développement que réclame sa nature.

Mais le danger le plus grave est bien celui de faire perdre à notre enseignement primaire le caractère français que nous avons tous à cœur de lui conserver, et que nous devons lui conserver. Je ne voudrais pas sortir du cadre pédagogique que se propose ce travail, ni développer toutes les idées que suggère une telle menace ; mais il est bien permis, tout en restant dans ces limites, de faire observer que la question pédagogique se complique ici d’une question vitale, qui touche aux intérêts sacrés que nos pères ont défendus de leur héroïsme et de leur sang. Si l’anglais avait envahi l’enseignement à ce degré depuis 1760, nous n’aurions plus à lutter pour la conservation du français et de nos traditions françaises : ce serait choses du passé.

Je rappelle encore une fois la question telle qu’elle est posée : il ne s’agit pas de chasser l’anglais de l’école primaire : le programme tel que soumis au Comité catholique, lui fait une large place depuis le cours moyen (3ème année) et lui laisse toute latitude à l’école complémentaire. Nous demandons seulement qu’on laisse tranquille le cerveau de l’enfant de 7 et 8 ans, pendant qu’au cours inférieur il est tout absorbé à recevoir les premières impressions qui façonnent son âme pour toute la vie ; nous demandons ensuite que pendant toute cette période des cours moyen et supérieur, où l’anglais est enseigné plus que ne l’est en nul autre pays, la langue seconde, on laisse la langue maternelle de l’enfant occuper une place de choix dans son éducation, et qu’on n’aille pas lui créer la déprimante impression qu’une autre langue a un droit égal à imbiber son âme de ses pensées, de son vocabulaire, de ses tournures, de sa mentalité, des sentiments dont elle est le véhicule.