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Page:Alma - L'aviateur inconnu, 1931.pdf/64

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L’AVIATEUR INCONNU

que je ne suis ni assez sot ni assez misérable pour provo­quer sa recherche ! » Il n’avait rien trouvé de mieux, le naïf honnête homme, avec l’intention, bien certainement, de clore à jamais l’incident qui bouleversait sa vie, il n’avait rien trouvé de mieux que d’assurer, par la voie des journaux, une publicité retentissante à ses déboires.

« Ainsi, pensait Elvire, après le premier moment de stupéfaction, jusqu’à présent la malignité publique ne s’exerçait à mes dépens qu’à Pourville. À dater d’aujour­d’hui, c’est le canton tout entier, c’est presque l’arrondis­sement qui vont faire des gorges chaudes ! Certes, l’in­nocence de mon pauvre père m’apparaît maintenant et je vois que Flossie n’avait pas tort… mais, je ne puis m’em­pêcher de donner raison à l’oncle Tristan lorsqu’il parle du pavé de l’ours. »

Au surplus, cette malheureuse affaire recevait à chaque pas des complications tellement ahurissantes que la jeune fille, peut-être gagnée par l’optimisme britannique de sa tante, ne trouvait plus assez de ressort en soi pour s’exas­pérer. Et quand, au repas de midi, en franchissant le seuil de la salle à manger, elle aperçut la mine satisfaite de son père, évidemment très heureux de la riposte qu’il avait trouvée, elle ne put se défendre d’éclater de rire. Cette hilarité surprit Bergemont cadet et presque le contraria, car il s’attendait à un témoignage de reconnais­sance.

— Alors, papa, c’est ainsi que tu comptes avoir raison de l’Aviateur inconnu ? lui demanda Elvire.

— Mais, parfaitement, ma fille, répondit-il. Tu as voulu que je te fournisse une justification… Tu reconnaîtras, j’espère, que je n’en ai pas mesuré les termes.

Bergemont aîné intervint.

— Que s’est-il donc passé ? interrogea-t-il.

En quelques mots, Elvire le mit au courant, ainsi que Flossie, de la déclaration de guerre de son père. La nou­velle eut pour effet immédiat de provoquer chez l’oncle Tristan une explosion d’ironie.

— Ah ! je l’aurais juré. Tu ne pouvais nous ménager qu’une équipée dans ce genre. Tu es tout pareil à Gribouille, mon pauvre ami, tu te jettes à l’eau de peur d’être mouillé.

Ahuri, Félix Bergemont n’arrivait pas à comprendre pourquoi l’on interprétait si mal une démonstration dont