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Page:Alma - L'aviateur inconnu, 1931.pdf/71

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L’AVIATEUR INCONNU

teur persévère dans ses intentions, tu pourras, darling, te constituer une dot en ouvrant un magasin de curiosités célestes.

— Ah ! oui, tu peux bien plaisanter, fit Elvire avec accablement. N’empêche que me voilà à la merci de ce per­sonnage et que mon repos est à jamais compromis. Tiens ! il y a des moments où je me demande si je ne ferais pas mieux de quitter Pourville !

— La fuite ! déclara Flossie, n’a jamais fait qu’aggraver les choses. Du reste, je ne vois pas pourquoi tu battrais en retraite… Ta position n’a rien de déprimant, elle est même assez flatteuse !

— Flatteuse !

— Mais oui ! je le répète : si, comme je le crois, cet aviateur est d’aimable tournure, il te faut l’attendre de pied ferme. Tu penses bien qu’il se fatiguera vite de son incognito.

— Qui sait ! Il y a des farceurs infatigables.

Flossie, excédée, frappa ses mains l’une contre l’autre.

— Mais ce n’est pas un farceur, you stupid girl, c’est un amoureux ! Un farceur ne procède pas avec cette délica­tesse et cette recherche dans l’hommage ! Non, non, c’est un amoureux et de très bonne race, j’en fais volontiers le pari.

— Amoureux ou farceur, que m’importe !

— Mais il importe beaucoup, my dearl ! Il est toujours très intéressant d’inspirer de l’amour à un homme intré­pide… Peut-être celui-ci t’apporte-t-il le bonheur sur les ailes de son biplan.

Elvire, à ces mots, leva la tête et regarda fixement Flossie avec une nuance de reproche. Elvire était surprise de trouver dans les paroles de sa jeune tante un tel laisser-aller, puisqu’elle lui avait fait la confidence de ses secrètes fiançailles. Elle oubliait qu’une Anglaise professe au plus haut point la religion du flirt et que tous les fiancés du monde ne l’empêcheront jamais d’accueillir les galante­ries et d’y répondre. Au surplus, Flossie était fort intui­tive, elle le prouva en ajoutant :

— Tu peux très bien aimer ton artiste sans pour cela renoncer à avoir ce que le firmament te réserve !

Mais le sang des Bergemont coulait dans les veines d’Elvire, le sang d’une race honnête, pondérée, bourgeoise,