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Page:Alma - L'aviateur inconnu, 1931.pdf/9

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L’AVIATEUR INCONNU

bien-être que pendant la mauvaise saison. En effet, l’été ramène au bord de la mer les jeunes gens pleins de chic et d’audace qui ont tôt fait de remarquer les filles à marier… Il est vrai que M. Bergemont cadet avait trouvé un moyen machiavélique pour protéger Elvire contre les candidats à sa main : ce moyen consistait à admettre les assiduités de Jean-Louis Vernal, peintre de talent, quoiqu’il ne fût qu’un amateur assez riche pour ne rien faire, et garçon très agréable, courtois, spirituel, fort bien de sa personne. Lui aussi demeurait à Pourville toute l’année ; il avait loué un petit cottage, un bungalow non loin de la villa Bergemont, et les relations s’étaient nouées tout naturellement.

Que Jean-Louis Vernal et Elvire eussent plaisir à se rencontrer, c’était clair comme le jour. Mais M. Berge­mont père savait très bien ce qu’il faisait en tolérant avec bonhomie la recherche du peintre. Il avait son idée de derrière la tête, M. Bergemont père : Absolument résolu à garder sa fille aussi longtemps qu’il le pourrait sans risquer de lui causer de la peine, désireux, en outre, d’évincer les soupirants, il trouvait en Jean-Louis Vernal un gardien sûr, mais non pas un danger. Et cela pour cette raison péremptoire que sa volonté formelle était de marier sa fille à un homme bien moderne, à un ingénieur ou un inventeur, mais à aucun prix à un artiste.

— Loin de moi l’intention de vous blâmer, jeune homme, disait-il à Jean-Louis quand celui-ci venait passer la soirée à la villa, je n’ai pas de préjugé spécial contre la peinture… Pourtant laissez-moi vous faire observer que cet art, dont vous êtes si fiers, vous et vos pareils, est appelé à disparaître.

— J’en doute, monsieur ! répondait le peintre.

— Mais voyons, la science, mon cher, la science vous menace de jour en jour. Déjà la photographie vous a porté un coup terrible… Et quand on aura découvert le procédé de fixer sur le papier sensible la photographie en couleurs…

— Ce jour-là comme de tout temps, les artistes seuls sauront exprimer les sentiments, sans lesquels les aspects de la vie ne sont que de froides images !

Régulièrement l’oncle Tristan mettait son grain de sel dans l’entretien :

— Vous n’ignorez pas, monsieur Vernal, que mon